COP28 – Jour 6

Pertes et dommages, on est à 655 millions de dollars !

Retour sur mon échange avec Fanny Petitbon, responsable du plaidoyer de CARE France

Le 30 novembre, la COP28 a commencé sur les chapeaux de roue, par l’adoption très rapide d’une décision majeure : la création du fond sur les pertes et dommages. Le brouillon de décision proposé quelques jours avant la COP n’a soulevé aucune objection. C’est du jamais vu, un coup de maître du diplomate Al Jaber. Et c’est un vrai pas pour les pays du sud ! En effet, cela fait 30 ans que le Vanuatu a demandé une compensation pour les dommages causés par la montée des eaux dans ses îles.

Les pays ont ensuite annoncé chacun les montants dédiés au fonds : 100 millions de dollars pour les Emirats, 225 millions d’euros pour l’Europe (dont « jusqu’à » 100 millions français), puis d’autres…. Le fonds dispose d’ores et déjà de 655 millions de dollars.

Depuis, les négociateurs se sont donc mis au travail de définition de comment ça va vraiment fonctionner.  

Quels sont les pays qui pourront avoir accès au fonds ?
Un problème de taille : la définition de pays en développement date de 1991, et avec cette définition, la Chine pourrait avoir accès à ce fond ce qui semble un peu anachronique vu son développement économique récent.

Quels sont les événements qui seront pris en compte ?
Tempêtes, inondations, incendies… mais au delà des biens matériels, il y a des choses que l’argent ne pourra pas remplacer. En effet, comment reconstituer une culture perdue, des traditions collectives… Car tout cela fait aussi partie du patrimoine mondial immatériel.

De quels pays sera composé le conseil d’administration du fonds ?
Ayant le pouvoir de décision d’attribution des financements, il faut que le CA soit équilibré entre les pays développés et en développement, entre toutes les zones géographiques, et les zones les plus exposées.

De combien ce fonds a-t-il besoin ?
Les pays du sud demandaient 100 milliards par an. L’étude la plus aboutie sur le sujet, réalisée en 2018 par des chercheurs indépendants, a estimé le montant annuel nécessaire à…. 580 milliards de dollars par an seront nécessaires.

Seront-ce bien des dons et non pas des prêts ?
C’est en discussion, certains pays, comme la France, défendent le prêt à taux 0. Cette décision est une belle avancée de la COP ! Oui mais il reste de nombreux problèmes. Il n’y a toujours aucune obligation de participer à ce fonds ; ce sera bien la Banque mondiale, avec son système actionnarial, qui hébèrgera le fonds et le montant est infime par rapport aux besoins ! Et quand on sait que les fonds promis pour l’adaptation n’ont pas été tous versés… Comme on peut s’en douter, nous continuerons le combat !

Le rôle de la société civile

La société civile, qui représente un bon tiers des participants à la COP, joue un rôle crucial dans les négociations internationales sur le climat. Peut-être plus que jamais, les pays sont soumis aux plaidoyers, aux actions de ceux qui leur disent « we are watching you ». Quand les citoyens de tous les pays se réunissent pour parler de justice, de finance, de genre, d’éducation, d’énergie… leur pouvoir semble colossal.

Sur le sujet des pertes et dommages par exemple, la société civile a joué un rôle clé de soutien aux pays en développement. Elle a porté les voix et les besoins des populations les plus vulnérables. Elle a réussi à mettre le sujet des pertes et dommages sur le devant de la scène et à le présenter comme une clé du succès de la COP27, à un moment où les regards étaient tournés vers les énergies fossiles et le respect de la trajectoire 1.5°C. Les ONG, les peuples autochtones, les jeunes, les organisations de défense des droits des femmes, les syndicats, les agriculteurs, tous ont convergé sur l’importance de ce sujet.

Hier lors de la séance de questions réponses, le sultan Al Jaber a remercié la société civile de son action. Ce qui d’une certaine façon relativise le pouvoir de celle-ci.

Nous avons deux dieux : la finance et la technologie

Hier soir, la présidence de la COP a organisé une séance de questions réponses pour les observateurs, c’est-à-dire tous les représentants de la société civile. Il a commencé par indiquer que selon lui, ce qui se passe à Dubaï est historique : un accord sur les pertes et dommages, très vite opérationnel, avec de l’argent réel immédiatement, en démarrage de la COP, est historique. Il n’a jamais vu cela, dans les 12 COP auxquelles il a participé. Et ce n’est qu’une première étape.

Il a ensuite mentionné qu’il pousse pour la décarbonisation des activités très carbonées, et qu’il souhaite s’engager sur 0 méthane émis en 2030. Il a ensuite insisté sur les millions qu’il va investir dans les solutions de transition climatique.

Il s’est ensuite engagé dans une tirade techno-intensive. Le monde est prêt pour de bonnes nouvelles. On doit arrêter de présenter des crises et des menaces, on a besoin d’un narratif qui dise ce qu’est le changement climatique : c’est une opportunité pour les entrepreneurs, et pour les communautés. Il faut changer la façon dont on fait notre business, il faut que chacun sorte de sa zone de confort.

Si on développe une roadmap basée sur la technologie, et qu’on crée un nouveau programme de financement, ce sera une nouvelle révolution industrielle. Pour les ingénieurs, rien n’est impossible. Les 1.5 ° seront alors tenus.

Un discours à la gloire de nos dieux : la technologie, la finance.

Petit bréviaire des 9 types d’acteurs non étatiques reconnus par les Nations Unies

  • RINGOs (Research and Independent Non-Governmental Organizations)
  • ENGOs (Environmental NGOs)
  • BINGOs (Business and Industry NGOs)
  • LGMAs (Local Governments and Municipal Authorities)
  • IPOs (Indigenous Peoples Organizations)
  • TUNGOs (Trade Union NGOs)
  • YOUNGOS (Youth NGOs)
  • Farmers
  • Gender

Connaissez-vous la biologie de la conservation ?

C’est l’étude de la nature dans le but de protéger les espèces, leurs habitats et les écosystèmes des processus d’extinction. Il s’agit par exemple de développer des projets pour prévenir l’extinction des espèces et restaurer les communautés.

Nous avons tous entendu parler des ours slovènes dans les Pyrénées, de la réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone… Les espèces menacées par la présence de l’homme ou par le changement climatique sont légion et témoignent d’une extinction de masse bien réelle. La biologie de conservation tente, du coup, de les préserver. Elle utilise parfois la reproduction en captivité puis la réintroduction ou encore la translocation, qui consiste à déplacer des plantes ou des animaux vers un lieu plus favorable à leur développement.

C’est l’un des cas présenté à la COP, par un fonds international émirati, sur la translocation des Outarde houbara, grands oiseaux qui ne peuvent plus vivre dans une région dont la température moyenne a augmenté de 11 degrés en 20 ans.

Les objectifs de la biologie de la conservation ont été intégrés dans les politiques scientifiques internationales qui en garantissent l’éthique et la régulation.

Mais sachant qu’une espèce vit en moyenne 10 millions d’année, savons-nous vraiment ce que nous faisons ? Le Directeur de recherche a trouvé que c’était une très bonne question…