Vivre aujourd’hui avec le climat de demain : mieux vaut prévenir que découvrir

Résumé

L’adaptation au changement climatique est urgente et nécessaire. Le changement climatique a déjà des impacts et va continuer d’empirer, mais des solutions d’adaptation sont déjà connues. Elles permettent dans le même temps de réduire nos émissions, sont rentables et apportent de nombreux co-bénéfices.

Pour une adaptation planifiée, démocratique et préventive, et pour éviter une mal-adaptation dans l’urgence, anarchique et inégalitaire, les Écologistes fixent deux priorités : la mise en place d’une Convention Citoyenne sur l’Adaptation (CCA) et le dépôt d’une Loi Adaptation. La Convention devra décider des actions à prioriser et des activités auxquelles renoncer. La loi devra financer ces actions et rendre 50 milliards d’investissements publics annuels compatibles avec l’adaptation.

Exposé des motifs

Avec la multiplication actuelle et future des dégâts climatiques, l’adaptation devient un sujet urgent : une baisse des émissions n’atténuera ces impacts que dans plusieurs décennies[1]. La publication en mars 2025 du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) l’a rendu plus visible. Les 175 cahiers d’acteurs déposés lors de la consultation sur le PNACC, incluant celui des Écologistes, témoignent d’une importante prise de conscience[2].

La lutte mondiale contre le changement climatique reste pleinement d’actualité avec les nombreux reculs mondiaux. En complément, l’action nationale et locale sur l’adaptation[3] protège immédiatement notre quotidien des conséquences actuelles et à venir du changement climatique. Elle est donc souhaitable, car efficace, quand elle s’appuie sur des bonnes pratiques :

  • Respecter les limites planétaires et préserver la biodiversité
  • Réduire les émissions
  • Prendre en compte les besoins des populations les plus vulnérables
  • Agir le plus tôt possible pour ne pas réagir dans l’urgence
  • Planifier l’action : certains choix sont irréversibles[4]

Une trajectoire de référence d’adaptation au changement climatique (TRACC) a été choisie par la France. Elle correspond à un réchauffement de +3°C dans le monde d’ici 2100, soit +4°C en France[5], si les pays maintiennent dans le temps leurs politiques déjà engagées avant 2025[6].

La TRACC n’est cependant pas la trajectoire la plus précautionneuse. Elle ne tient pas compte de potentiels points de bascule, ni de renoncements dans l’action mondiale. Dans leur contribution au PNACC, les Écologistes ont soutenu la TRACC mais ont demandé à aller beaucoup plus loin, en l’inscrivant dans la loi et en la complétant par une trajectoire annexe à +6°C pour les infrastructures critiques[7].

Les solutions de bonne adaptation et de prévention sont souvent connues et pourraient déjà être déployées[8]. Elles nous apportent d’ailleurs plus qu’une protection d’avenir. Elles entrent en synergie avec d’autres enjeux et offrent des co-bénéfices environnementaux, sociaux et économiques, comme la végétalisation, qui rafraîchit les quartiers et améliore la santé des habitant·e·s[9].

La bonne adaptation et la prévention sont rentables et de nombreuses actions sont “sans regrets”[10] : 1 € investi dans l’adaptation permet d’éviter 8 € de dégâts[11]. Tout budget pour l’adaptation s’appelle donc “reviens”. L’adaptation est une “retraite” climatique : nous cotisons maintenant pour avoir des conditions de vie décentes plus tard.

À l’opposé de la bonne adaptation se trouvent des pratiques coûteuses voire dangereuses, qualifiées de non-adaptation ou de mal-adaptation. La non-adaptation consiste à ne rien faire et à subir. La mal-adaptation revient à prendre le mauvais chemin : choisir des solutions qui aggravent la situation initiale, transfèrent la vulnérabilité sur d’autres ou ne fonctionnent pas à long terme.

“L’écologie des solutions” prônée par le gouvernement aboutira inévitablement à de la maladaptation, car elle retarde des choix qui doivent être pris aujourd’hui. En particulier, nous devons veiller à ne pas gaspiller des investissements dans des solutions hypothétiques voire qui n’en sont pas, comme les digues ou la géo-ingénierie.

Nous devons donc faire des choix, définir des priorités, renoncer à certaines activités et cultiver un “réflexe adaptation” dans toutes nos décisions politiques. Les Écologistes pensent que ces choix ne peuvent être pris que de façon collective et rappellent l’exemple de St-Pierre et Miquelon, où les habitant·e·s ont mal vécu l’annonce unilatérale de François Hollande interdisant les constructions en 2014[12]. Les choix à réaliser couvrent aussi le renoncement aux projets inadaptables comme les nouveaux EPR. La consultation est le meilleur outil pour étudier les solutions touchant au quotidien et questionner les priorités de notre modèle économique.

Une CCA serait donc l’occasion de définir le niveau de soutien à l’adaptation et d’acceptation des risques que nous décidons. Notre adaptation doit être ambitieuse et réaliste : nous devons être robustes et souverains sans vivre barricadés et autarciques.

Cette CCA devra statuer sur la façon de protéger nos “communs”, mais aussi de purger nos “communs négatifs”[13], avant qu’ils ne s’accumulent jusqu’à nous faire régresser de façon subie[14]. Par exemple, nous devons veiller à préserver nos ressources (vitales) en eau et choisir de transformer ou renoncer aux activités critiques qui ne peuvent fonctionner sans : nucléaire, industries SEVESO, etc. D’ici 30 ans, les débits des cours d’eau auront en effet diminué entre 10 et 40%[15]. Les activités très dépendantes de l’eau (agriculture, production d’énergie, industrie) doivent donc basculer vers des usages sobres, pour donner la priorité à l’usage vital : boire. La CCA serait ensuite déclinée au niveau local.

Motion

Réuni le 15 juin 2025, le Conseil Fédéral des Écologistes :

  • Soutient fermement la bonne adaptation et la prévention
  • Rappelle que celles-ci sont complémentaires du respect des limites planétaires, économiquement rentables et ne s’opposent pas à la réduction des émissions
  • Alerte sur l’importance d’éviter la non-adaptation et la mal adaptation
  • Rappelle l’impératif de planifier l’adaptation et regrette le retard pris par la France
  • Rappelle que l’adaptation nécessitera des investissements, dont la contrepartie sera des emplois, de l’activité et des bénéfices environnementaux, sociaux et économiques

Le Conseil Fédéral se prononce pour :

  1. La tenue d’une Convention Citoyenne pour l’Adaptation.
  2. Le dépôt d’une proposition de Loi “Adaptation”, incluant les articles suivants :
    • L’inscription de la TRACC comme référence légale, en y associant une trajectoire annexe à +6°C en 2100 pour les activités critiques comme le nucléaire, les sites SEVESO, les réseaux énergétiques et l’accès aux soins.
    • Une obligation de prise en compte de l’adaptation basée sur la TRACC, dans tout plan environnemental et projet d’investissement des collectivités et entreprises[16].
    • Un plan pluriannuel de financement de l’adaptation et des actions du PNACC doté de 5 milliards d’euros par an[17], notamment pour l’adaptation des bâtiments, des transports, de l’agriculture, du secteur maritime ainsi qu’une garantie assurantielle. Ce plan d’avenir devra être financé par de l’endettement français voire européen, comme d’autres investissements écologiques.
    • Le financement de ce plan par la suppression de tout soutien budgétaire à des activités non-adaptées ou fossiles[18] et leur redirection vers l’adaptation et l’aide à la reconversion[19].
    • Une “condition adaptation” ajoutée pour rendre plus de 50 milliards d’euros annuels d’investissement public compatibles avec l’adaptation[20].
    • Une COP Adaptation sur l’exposition de la France et des actions d’adaptation réalisée tous les 5 ans[21]. La revue inclura un pilotage de la baisse de l’exposition des personnes les plus vulnérables[22].
    • Des sanctions en cas de non-réalisation des plans d’adaptation par les grandes entreprises, pour éviter la “prime au vice“.
    • L’interdiction de la publicité d’activités mal-adaptées, telles que définies par la Convention Citoyenne pour l’Adaptation[23].
    • L’obligation faite aux assureurs d’assurer les communes et agriculteurs qui le souhaitent, si les bénéficiaires agissent pour la bonne adaptation.
  3. La création d’un Service Public de Proximité pour l’Adaptation (SPPA), qui accompagnera les collectivités, les particuliers, notamment les plus vulnérables et les PME, sur le modèle d’autres pays[24]. Ce service impliquera :
    • La hausse des effectifs des opérateurs contribuant à la prévention, qui ont perdu 3400 ETP en 10 ans[25].
    • La formation systématique à l’adaptation des accompagnateurs et conseillers de la transition des ménages ou des entreprises[26].
    • L’aide au financement de l’adaptation pour les ménages et les TPE/PME, qu’il s’agisse d’investir ou d’être conseillé.
  4. Porter l’adaptation comme impératif du programme écologiste auprès des partenaires à toute échéance électorale (voir annexes).

Notes :

[1] Beaucoup de thématiques mériteront d’être approfondies dans une motion spécifiquement dédiée, comme l’adaptation des territoires d’Outre-Mer, des bâtiments, de l’agriculture ou des transports, ainsi que l’accompagnement des personnes les plus vulnérables.
[2] Liens : liste des contributions (consultée le 20 avril 2025), contribution des Écologistes.
[3] Exemples : solutions fondées sur la nature (végétaliser les villes) ou pratiques (aérer le soir et le matin). Voir la liste en annexe.
[4] Une fois un bâtiment construit, il est trop tard ou beaucoup plus coûteux de le rendre habitable l’été, de l’écarter du littoral ou de l’adapter à des normes de construction performantes.
[5] Dans la TRACC, la hausse de température en France est déjà de +2°C en 2030 et +2,7°C en 2050. L’enneigement en montagne aura baissé de 40% en 2050 et les sécheresses seront multipliées par 3 (elles ont déjà été multipliées par 2 depuis les années 1960).
[6] United Nations Environment Programme, Emissions Gap Report, 2024.
[7] Contribution des Écologistes au PNACC, résumé exécutif. Les infrastructures critiques incluent notamment les industries SEVESO, les centrales nucléaires (y compris la filière amont et aval, de vallée du Rhône, de la Hague et de Cigéo), les sites de production d’électricité et le réseau électrique.
[8] Voir annexe pour la liste détaillée par secteur et par aléa. À titre d’exemple, pour le bâtiment : réseaux de froid, végétalisation, volets/stores ; pour le transport : adaptation des rails et des gares ; pour l’agriculture : financements à la transition vers des cultures adaptées.
[9] Boston Consulting Group, Adaptation & Résilience des entreprises au changement climatique, Mars 2025.
[10] Les actions “sans regrets” apportent des bénéfices quel que soit le niveau de réchauffement.
[11] Caisse Centrale de Réassurance, Contribution au PNACC, 2024.
[12] Novethic, Montée des eaux : les habitants de ce village disparaissent avant d’être engloutis, Mars 2024.
[13] Le Monde, Sols pollués, centrales nucléaires… Les “communs négatifs”, ces déchets de l’anthropocène dont il va bien falloir se soucier, Décembre 2022.
[14] Exemple : des rues bétonnées fournaises, des sols appauvris ou pollués qui menacent notre agriculture et notre alimentation, des forêts en souffrance, des chaînes de valeur opaques ou illisibles, ou encore la culture grandissante du court-termisme. Sur l’impact prospectif de la pollution et des communs négatifs : Donella H. Meadows et al., Les limites à la croissance, 1972.
[15] En 2022, déjà 93 départements ont connu des restrictions d’eau et plus de 1000 communes ont eu une rupture d’approvisionnement en eau potable, c’est-à-dire que les robinets ne coulaient plus. Gouvernement, Plan Eau, Mars 2023.
[16] Exemples de plans et projets d’investissement concernés : PLU, PCAET, construction d’infrastructures et aménagement (impliquant ou non de l’artificialisation), reporting CSRD, etc.
[17] Exemple de chiffrage : I4CE, Anticiper les effets d’un changement climatique à +4°C : quels coûts de l’adaptation ?, 2024
[18] Il s’agit notamment des niches fiscales fossiles (gazole non routier), des aides aux véhicules professionnels, au transport aérien (hors Outre-Mer et Zones Non-Interconnectées) ou pour les activités non-adaptées, par exemple le financement par des fonds publics de nouvelles remontées mécaniques ou de constructions en zones inondables dans le futur.
[19] Les financements devront notamment aider les exploitations agricoles en danger face au changement climatique (ex : maïs) ou fortement émettrices (élevage) dans leur reconversion ou leur diversification.
[20] I4CE, Au moins 50 Mds€/an d’investissements publics à adapter, 2024. La “condition adaptation” devrait notamment concerner le futur programme de renouvellement urbain, les investissements publics dans les réseaux de transport et électriques, la construction neuve de logements sociaux, la rénovations de bâtiments publics, les aides à la rénovation énergétique et le Plan Stratégique National (PSN) découlant de la Politique Agricole Commune (PAC).
[21] Les acteurs qui seraient mobilisés sont la communauté scientifique (y compris en sciences humaines et sociales), le Haut Conseil pour le Climat, les experts locaux (Groupes Régionaux d’Experts du Climat) et la société civile. Voir HCC, Avis sur le PNACC, avril 2025, p15. A la date de publication de cette motion, la dernière revue datait de plus de 10 ans (2015). Jouzel et al., Le climat de la France au XXIe siècle. Volume 5, 2015.
[22] Exemples de personnes vulnérables face au changement climatique : enfants, femmes enceintes, habitants des zones denses, personnes âgées, situation de handicap, pauvreté, personnes atteintes de maladies chroniques.
[23] L’ARCOM disposerait également de davantage de pouvoir de sanctions contre les dérives et la propagation de fausses informations, y compris sur les réseaux sociaux, tout en respectant la liberté d’expression et le droit au débat. CESE, Face au changement climatique, accélérer une adaptation systémique et juste, 2023.
[24] D’autres pays ont mis en place des actions pour un service public de l’adaptation, notamment l’Écosse (Adaptation Scotland), les Pays-Bas (pour les inondations et l’artificialisation via le National Delta Programme) ou le Japon.
[25] En particulier Météo France, le CEREMA, l’ONF, les Agences de l’Eau ou l’IGN. I4CE, Se donner les moyens de s’adapter au changement climatique, 2022, p28.
[26] Les conseillers MonAccompagnateurRénov, SLIME et PACTE Entreprises devront ainsi pouvoir aider les bénéficiaires dans le choix de solutions adaptées. Les conseillers MonAccompagnateurRénov, SLIME et PACTE Entreprises devront ainsi pouvoir aider les bénéficiaires dans le choix de solutions adaptées. MonAccompagnateurRénov (MAR) : conseillers obligatoires avant de bénéficier de MaPrimeRénov’ pour une rénovation d’ampleur. SLIME : accompagnateurs de ménages en situation de précarité énergétique. PACTE Entreprises : programme CEE lancé courant 2025 qui accompagnera les TPE/PME dans les actions d’économies d’énergie et de décarbonation via plusieurs types de diagnostics.

Synthèses des positions antérieures du parti

Les Écologistes ont continuellement soutenu l’adaptation au changement climatique. En 1974, l’appel de René Dumont à la sobriété en eau était déjà une position d’adaptation au changement climatique. Les Écologistes ont pris de nombreuses positions sur le sujet :

  • Le programme d’EELV pour les élections présidentielles de 2022 prévoyait de porter à 7 milliards les financements climats en direction des pays les plus vulnérables au changement climatique, pour les aider à s’adapter. 
  • Une proposition de loi sur le retrait-gonflement des argiles a été déposée en février 2023 et visait à mieux indemniser les personnes victimes de fissures, voire d’effondrements de leurs logements.
    • Le Groupe Ecologistes à l’Assemblée Nationale a publié un dossier de presse sur l’adaptation en juillet 2023, intitulé “Les 20 mesures pour passer l’été« .
    • Le programme des Écologistes pour les européennes de juin 2024 prévoyait la mise en place d’un plan d’adaptation à un climat à 1.5°C au moins (et jusqu’à +4 à +5°C au niveau mondial), qui inclut notamment la mise en oeuvre d’un plan de gestion des risques, la création d’un fonds pour l’adaptation climatique, la contractualisation d’un emprunt européen pour la résilience civile et le renforcement des moyens budgétaires pour la protection civile et la réserve d’équipements RescUE, ainsi que la création d’un fonds d’indemnisation aux victimes du changement climatique.
    • Le programme du Nouveau Front Populaire, publié en juillet 2024 et porté par les Écologistes, demandait l’adoption d’un plan national d’adaptation au changement climatique, notamment pour les infrastructures et les protections des personnes et de leurs biens.
    • Les Écologistes ont déposé un cahier d’acteurs sur le PNACC en décembre 2024, pour alerter sur le besoin de moyens financiers pour l’adaptation et demander l’adoption d’une loi sur l’adaptation.

ANNEXE

S’adapter est une nécessité pour l’avenir et pour aujourd’hui

Le changement climatique est déjà là : s’adapter n’est plus seulement une course contre la montre, mais déjà une nécessité immédiate. 2023 a été l’année la plus chaude observée au niveau mondiale et 2024 fait partie des 10 années les plus pluvieuses. En France, le retrait-gonflement des argiles (fissures dans les bâtiments) a amené 8 000 communes à demander la reconnaissance de catastrophe naturelle en 2022, avec un coût de 2,9 Mrds€ pour les assurances. Cette même année, 72 000 hectares ont brûlé, soit la superficie des 10 plus grandes villes de France réunies. La vague de chaleur a provoqué 2 816 décès.

Le 3ème Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) a été publié le 10 mars 2025. Les presque 2 ans de retard de cette publication n’ont pourtant pas permis d’aboutir à un PNACC ambitieux. Ce calendrier, assumé par les gouvernements Borne, Attal et Barnier, associé au manque d’ambition du PNACC, nous fait accumuler du retard pour nous adapter au changement climatique. L’adaptation est pourtant censée être consensuelle : toute action locale apporte des bénéfices locaux et est donc souhaitable. 

Le changement climatique n’attend toutefois pas la prise de conscience politique pour s’aggraver : ses conséquences devenant de plus en plus visibles, l’adaptation devient de plus en plus médiatisée. Le PNACC a ainsi reçu 175 cahiers d’acteurs, qui ont choisi de se positionner et de porter leur voix. De nombreuses organisations ont également commenté le PNACC après sa publication, comme Oxfam, Réseau Action Climat ou le Haut Conseil pour le Climat (HCC). Une position du parti sur l’adaptation et sur ce PNACC stratégique mais très largement perfectible est donc indispensable.

Les solutions d’adaptation sont nombreuses, déjà largement connues et opérationnelles dans les différents secteurs

La bonne adaptation inclut un éventail très large de types de solutions : 

  • Fondées sur la nature : végétaliser les bâtiments et les abords de ville pour protéger de la chaleur et des inondations – “digues vivantes” comme aux Pays-Bas.
  • Technologiques : meilleures prévisions météos et climatiques, alerte SMS immédiate aux citoyens en cas d’inondation ou vague de chaleur.
  • Pratiques ou culturelles : aérer le soir et le matin.
  • Institutionnelles : remettre à niveau les normes pour construire des bâtiments ou des routes, réglementer pour pousser les entreprises et filières à réaliser des plans d’adaptation. 
  • D’infrastructures ou d’investissements : brumisateurs dans les gares, installer des volets et stores.
  • Etc.

Qu’il s’agisse d’actions règlementaires ou financières, techniques ou frugales, de prévention ou d’investissement, de nombreuses solutions concrètes sont déjà connues dans tous les secteurs : bâtiment, transports, agriculture, secteur maritime.

Dans le bâtiment, il s’agit notamment des solutions de rafraîchissement passives : stores, volets, peinture blanche ou réfléchissante, filtres solaires, etc. Une partie des aides à la rénovation (MaPrimeRénov’ et les Certificats d’Économie d’Énergie – CEE) pourraient être conditionnées à l’installation de telles solutions. Il serait également possible d’expérimenter une aide dédiée à la “rénovation du futur” ou au “Bâtiment 2100”, qui combinerait rénovation thermique avec des matériaux bas-carbone et rafraîchissement sans climatisation, pour rendre le logement durable et confortable et jusqu’à 2100 au moins. Les réseaux de froid pourraient être développés, car ils sont très efficaces et rejettent de la chaleur à l’extérieur de la ville plutôt qu’à l’intérieur comme la climatisation. Les normes dans la construction pourraient rendre obligatoire le confort d’été pour préserver la santé des habitants, améliorer la résistance aux fissures en cas de sécheresse et créer des logements bioclimatiques.  Dans les cas les plus extrêmes, des relocalisations préventives peuvent intervenir, comme à Saint-Pierre et Miquelon où la ville de Miquelon est en cours de déplacement d’1,5 km, à 20m plus en hauteur. De façon générale, l’adaptation suppose de ne pas supprimer du financement budgétaire ou extra-budgétaire pour la transition. Au contraire, les financements existants pour la transition (mais aussi pour d’autres objectifs) doivent être rendus davantage compatibles avec l’adaptation, en particulier MaPrimeRénov’, les CEE, le Fonds Vert et le Fonds Social Climat à venir. Il serait aussi pertinent de réaffirmer l’application du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) : cet objectif qui paraît parfois abstrait a en effet des bénéfices concrets pour limiter les îlots de chaleur et les inondations.

Dans les transports, le train, les transports en commun, les gares et les infrastructures comme les ponts doivent rester fonctionnels en cas d’événement climatique. La prise en compte de la TRACC à +4°C pourrait devenir obligatoire dans les évaluations environnementales des nouveaux projets d’infrastructure. En complément du tournant pris par la SNCF pour l’adaptation, que nous saluons, un plan “Gares à l’adaptation” pourrait être lancé pour généraliser la ventilation et l’installation de brumisateurs dans les gares, les arrêts de bus et les pôles d’échange et d’ombrager les pistes cyclables, ainsi que certaines zones piétonnes très fréquentées. Pour le fluvial, nous alertons enfin sur l’invraisemblable non-prise en compte de la TRACC par un projet aussi gigantesque que le Canal Seine-Nord Europe (scénario +1,4 °C uniquement) : nous redisons notre opposition à ce projet pharaonique inadapté.

Dans l’agriculture, il s’agirait de miser sur la diversité des cultures pour réduire leur vulnérabilité. Cela impliquerait de sortir des spécialisations régionales uniques, des monocultures et de l’élevage industriel et hors sol. Afin de contribuer à la préservation de l’eau et de la biodiversité, notamment par le maintien des prairies, nous rappelons l’importance des synergies entre élevage et polyculture. Les cultures à développer seraient avant tout les légumineuses, comme la luzerne qui résiste bien aux sécheresses. La rémunération des agriculteurs est centrale pour rendre ces cultures attractives, ce qui implique de rediriger les financements de la Politique Agricole Commune (PAC), du Plan Stratégique National (PSN) et de réallouer  pour d’autres usages les financements à la mal-adaptation (méga-bassines, retenues collinaires pour la production de neige ou cultures non-adaptées…).

Plus globalement, les actions à mettre en place doivent cibler toutes les composantes du changement climatique : vagues de chaleur, retrait-gonflement des argiles (fissures liées aux sécheresses), sécheresses et manque d’eau, incendies, inondations, recul du littoral, baisse de l’enneigement en basse et haute montagne, cyclones en Outre-Mer.

En préparation des municipales, un tableau (non-exhaustif) liste les solutions à disposition des communes en annexe. Nous signalons aussi l’existence des outils Plus Fraîche Ma Ville (solutions concrètes contre la chaleur en ville), Adaptaville (idées pour lutter contre tous types d’aléas) et Climadiga Commune de MétéoFrance (pour identifier les risques climatiques les plus importants dans sa commune).

Les solutions d’adaptation ont d’innombrables co-bénéfices sociaux, environnementaux et économiques

Une attention particulière doit être portée aux personnes les plus vulnérables lors du déploiement de l’adaptation. Inversement, l’adaptation est l’occasion de lutter contre ces vulnérabilités trop souvent éclipsées du débat public. Les personnes vulnérables sont celles qui sont les plus exposées aux impacts du changement climatique : les personnes âgées, isolées et les femmes enceintes sont par exemple plus à risque en cas de vagues de chaleur. Il s’agit également des personnes qui n’ont pas les moyens de s’en prémunir. Les personnes en situation de précarité ne pourront ni installer de climatisation, ni mettre en place d’autres solutions efficaces. Dans le cas des municipalités, cette attention peut être portée dès la phase du diagnostic pour mieux cibler les solutions (par exemple, une action de sensibilisation aux bons gestes dans les zones les plus vulnérables de la commune, en amont de l’été).

L’adaptation est en effet un impératif social : nous devons créer un droit à la fraîcheur, un droit à la continuité du quotidien et un droit à la protection civile. Protéger les bâtiments et les logements des vagues de chaleur et des inondations, en plus d’être une protection vitale pour beaucoup, est aussi un enjeu de confort et de soulagement mental pour tous, au travail, dehors  ou chez soi. L’adaptation nous aidera à garantir la continuité du service public, notamment des services de santé, de sécurité et d’éducation. Elle aide à retisser des liens entre citoyens et à favoriser l’entraide, notamment en prévention des épisodes les plus difficiles pour la collectivité (incendies, inondations, cyclones, etc.) ou pour les ménages (fragilisation de sa maison suite à des fissures). Enfin, elle nous permet d’éduquer et de rassurer nos enfants sur le changement climatique, en les aidant à se focaliser sur les actions qu’ils et elles peuvent réaliser plutôt qu’en les abandonnant à l’éco-anxiété.

L’adaptation a également de nombreux bénéfices environnementaux. Elle est complémentaire avec la réduction des émissions, par exemple avec la plantation d’arbres et la végétalisation qui stockent du carbone, mais aussi avec le déploiement de réseaux de froid efficaces. Les cultures agricoles adaptées au changement climatique sont aussi celles qui améliorent la qualité de notre alimentation, de l’eau, de l’air, des sols, et qui préservent notre santé. Ces cultures adaptées recréent des “zones tampons” de biodiversité qui nous protègent des aléas (inondations, etc.), comme les zones humides, les haies et les forêts, qui filtrent aussi les polluants.  Plus généralement, l’adaptation préserve aussi la beauté de nos paysages, de ville ou de campagne, en les préservant de la bétonisation et de la destruction (lente ou immédiate) par des aléas climatiques comme la sécheresse ou les incendies.

Plus prosaïquement, s’adapter est rentable pour tous les acteurs économiques : État, collectivités, entités publiques, entreprises et assureurs. Les actions sur la prévention, le bâtiment, les infrastructures de transport et l’agriculture soutiennent des emplois locaux, non délocalisables et souverains. Les activités adaptées réduisent en effet notre dépendance et nos dépenses en énergies fossiles, en électricité, en engrais et pesticides. Pour les entreprises, l’objectif de l’adaptation est aussi d’éviter les ruptures ou les replis d’activité subis. Pour les assureurs, l’enjeu est de continuer à pouvoir assurer à des coûts acceptables pour ses clients, c’est-à–dire à continuer d’exister.

À l’inverse des solutions de bonne adaptation et de prévention, la mal-adaptation présente de nombreux risques

La mal-adaptation est l’inverse d’une bonne solution d’adaptation : elle est contreproductive, coûteuse et inégalitaire : 

  • Elle transfère la vulnérabilité vers d’autres personnes, comme les méga-bassines ou retenues collinaires qui prélèvent de l’eau avant la collectivité
  • Elle gaspille de l’argent dans une infrastructure inutile à long terme ou donnant une fausse impression de sécurité à court terme (digues, nouvelles remontées mécaniques en basse et haute montagne, construction en zone inondable ou futurement inondable). 
  • Elle aggrave la situation : la climatisation individuelle réchauffe ainsi les quartiers et pèse sur le réseau électrique. 

La non-adaptation présente les mêmes risques que la mal-adaptation : c’est le cas de l’artificialisation, qui a fait office de “toboggan” pour les inondations de Valence. La  plantation de forêts de résineux non résistants aux fortes chaleurs, qui brûlent facilement, est aussi aggravante.

Nous devons également prendre garde aux fausses solutions, qui aggravent la situation au lieu de la résoudre. Il peut s’agir de solutions technologiques, coûteuses, avec des impacts écologiques importants et des retours sur investissements sociétaux limités voire inexistants procurant un faux sentiment de protection (digues pour protéger de nouvelles constructions littorales, perspective lointaine de géo-ingénierie), ou qui nous enferment dans des modèles économiques questionnables et posent la question de la priorité à accorder aux différents activités (systèmes de recyclage de l’eau dans les stations de lavage automobile, qui réduit faiblement leur consommation d’eau). Il peut aussi s’agir de solutions basées sur la nature mais inadaptées (plantation de forêts mono-essences de résineux, très vulnérables aux incendies ou destinées à la coupe rase après moins de 30 ans).

La lutte contre la mal-adaptation est enfin une lutte culturelle contre le court-termisme, la démagogie et le climatoscepticisme. Dors et déjà, des élus choisissent de ne pas agir et de blâmer des acteurs extérieurs lorsqu’ils subissent les conséquences du changement climatique. Au contraire, développer le “réflexe adaptation” implique de diffuser les solutions d’adaptation mais aussi de montrer les conséquences concrètes du changement climatique en France. Cela peut être fait en renforçant les liens entre le monde scientifique et le monde de la culture sur les sujets climatiques (cinéma, vidéo, musique, littérature, etc.). La consultation est aussi un des leviers de cette lutte culturelle : celle menée à Miquelon a par exemple permis de décider de solutions d’adaptation locales devenues consensuelles : déplacer le village et construire des équipements refuges, suite aux tempêtes de 2018.

Annexe 1 : Tableau d’exemples de mesures pour les programmes des municipales pour chaque aléa

AléasSolutions municipales

 Vagues de chaleur🥵
– Créer des îlots de fraîcheur accessibles (fontaines, brumisateurs, parcs ouverts, “zones fraîcheur” publiques climatisées ou rafraîchies naturellement) et en informer régulièrement les habitants.- Végétaliser l’espace public (rues, cours d’école, parkings, abords, toitures et façades des bâtiments municipaux). – Rénover et isoler thermiquement les bâtiments municipaux (écoles, crèches, équipements sportifs, etc.), en installant des équipements de protection (stores, volets, brises-soleils, filtres solaires, etc.).- Renvoyer le rayonnement solaire en peignant en blanc les toits des bâtiments et en utilisant des revêtements clairs (blancs ou beiges) pendant les travaux d’aménagement, sans artificialiser.- Aménager les horaires de travail des employés municipaux en période de canicule et inciter à des tenues de travail adaptées en été.- Inciter à l’architecture bioclimatique et à la prise en compte de l’adaptation au moment de la délivrance des permis de construire et dans le PLU.- Au printemps, lancer une campagne de sensibilisation grand public pour les bons gestes (emplacement des zones fraîcheur refuges, gestes qui sauvent, etc.).- Réaliser un diagnostic des zones les plus à risque (îlots de chaleur avec de nombreuses personnes âgées, isolées, en situation de handicap, etc.) et cibler les actions sur ces zones.

 Retrait-gonflement des argiles
⛓️‍💥
– Intégrer le risque RGA dans les documents d’urbanisme régulant les constructions (PLU, permis) : conditionner les nouvelles constructions à la prise en compte du risque, informer les nouveaux constructeurs du risque et interdire les constructions trop risquées- Réaliser des diagnostics géotechniques pour les projets communaux (pour tester l’état du sol).- Reprendre les fondations et entretenir le sol des bâtiments communaux les plus à risque (ex : présence d’un arbre trop près du bâtiment) et aider les propriétaires les plus à risque à financer ces travaux correctifs. Les travaux peuvent être incités en notifiant les sinistres qui ont déjà eu lieu.- Mettre en place une charte locale de construction “0% RGA” dans les communes les plus à risque.- Former les services en charge de l’urbanisme au RGA (si pas déjà fait).
Inondations
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– Désimperméabiliser les sols (cours d’écoles, parkings, trottoirs)- Créer ou restaurer des zones où les crues de cours d’eau peuvent s’étendre, si possible naturelles (bassins, prairies ou forêts alentour, roselières, etc.)- Interdire strictement la construction en zone inondable (actuellement ou dans le futur, sur terrain ou en sous-sol) dans le PLU, pour éviter aux constructeurs de prendre des risques inconsidérés- Réviser les Plans de Prévention des Risques Inondation (PPRI) pour prendre en compte l’évolution des inondations dans le temps- Mettre en place des systèmes d’alerte automatiques et/ou préventifs en cas d’inondations (SMS, sirènes)- Faire une campagne de prévention aux citoyens ou aux enfants sur la conduite à adopter- Végétaliser les berges des cours d’eau- Dans les cas les plus extrêmes, envisager de relocaliser les personnes habitants dans les zones les plus à risque

 Sécheresses 🏜️et manque d’eau 💧
– Réduire les factures et les consommations d’eau de la collectivité en réduisant les consommations des bâtiments communaux (mousseurs, détection de fuites avec des compteurs connectés, systèmes de récupération d’eau de pluie).- Réduire les factures de la collectivité liées aux stations d’épuration en faisant une campagne de sobriété hydrique auprès des ménages et des entreprises locales avant les périodes de sécheresse.- Planter des espèces végétales et des essences d’arbres adaptées aux sécheresses et robustes face aux incendies (feuillus plutôt que résineux).- Interdire les usages non essentiels de l’eau en période de tension (arrosage des pelouses, lavage des voitures, etc.) en s’appuyant sur les restrictions du guide sécheresse national, pour garantir le « Zéro robinet à sec » dans les logements.- Aider les agriculteurs locaux pour des projets agroécologiques (changement de cultures, plantation de haies, etc.).- Refuser la création plans d’eau artificiels et de toute activité qui préempte l’eau sans débat public.- Passer à des contrats de gestion de l’eau en régie (gérée par la municipalité plutôt qu’un prestataire en délégation de service public) ou ajouter des clauses liées aux sécheresses dans le contrat.- Mettre en place une tarification incitative (en cas de fonctionnement en régie) : gratuité des premiers mètres-cubes d’eau et taxation des mètres-cubes au-delà d’une consommation classique.- Ajouter des critères « économie d’eau » dans les appels d’offres publics, notamment pour les prestations très consommatrices d’eau (arrosage des espaces verts et des rues, piscines, gestion des fuites d’eau du réseau).

 Incendies
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– Débroussailler les parcs et forêts communale à fort risque d’incendie (enlever les brindilles et branchages) voire recruter des gardes forestiers municipaux- Contacter les propriétaires locaux pour les sensibiliser au débroussaillage (obligatoire) des abords de forêts.- Créer une communauté de “citoyens vigilants”, qui sont formés à intervenir en cas de barbecues ou de feux d’artifice interdits en période de sécheresse.- Dégager l’accès pour les pompiers dans les lotissements proches de la forêt.- Planter des essences moins inflammables en zone urbaine/forêt (feuillus plutôt que des résineux – éviter les pins, sapins , etc.).

 Recul du trait de côte
🏴󠁣󠁭󠁬󠁴󠁿🏝️🛟

– Interdire la construction dans les zones à risque d’érosion, pour éviter les investissements gaspillés.- Déplacer les bâtiments à risque lorsque nécessaire (ex : stations d’épuration).- Réviser le PLU pour prendre en compte le recul progressif du trait de côte : éviter les travaux lourds dans les bâtiments les plus à risque- Remplacer les parkings en bord de mer par des navettes publiques partant de la ville.- Aménager le littoral de façon “réversible” (mobilier sur les plages, événements temporaires, etc.) plutôt que de façon irréversible (routes, digues, etc.).- Informer les habitants proches du littoral du recul du trait de côte et planifier des créneaux avec la municipalité pour trouver des solutions. Dans les cas les plus extrêmes, planifier un plan de relocalisation avec l’intercommunalité ou la métropole.- Aider financièrement la reconversion et la relocalisation des activités économiques menacées (campings, etc.)- Restaurer ou recréer des milieux naturels côtiers “tampons” (dunes, zones humides, bois, haies, etc.).

 Baisse de l’enneigement
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– Diversifier l’offre touristique hors ski (randonnée et sports en montagne, histoire et culture locale, découvertes de la faune locale, photographie, etc.) : inciter les acteurs économiques à être créatifs pour sortir de la logique “tout-ski”.- Soutenir financièrement la reconversion et la formation des acteurs locaux (hébergeurs, moniteurs).- Rediriger tous les investissements non-adaptés (neige artificielle, remontées mécaniques, etc.) vers l’adaptation.- Financer des événements culturels ou sportifs hors saison hivernale.- Faire la rénovation énergétique des hébergements touristiques communaux en prenant en compte le confort d’été.- Soutenir l’agriculture de montagne comme alternative économique.
Cyclones
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– Mettre en place des bâtiments refuges (écoles, etc.)- Réaliser des campagnes et des exercices de prévention cyclones (PPMS)- Dédier des moyens spécifiques à l’Outre-Mer pour l’étude des aléas