Extraction du lithium dans l’allier, une possibilité sous conditions

Retrouvez ci-dessous la motion adoptée au conseil fédéral des 5 et 6 octobre 2024


Résumé

La présence de lithium dans cette zone est avérée depuis les années 1960. En 2015 un permis exclusif de recherche est venu le confirmer par des sondages préliminaires. Ce projet d’extraction devrait avoir lieu sur le même site que l’actuelle carrière de kaolin (les Kaolins de Beauvoir), exploitée depuis le milieu du 19ème siècle, et par Imerys depuis 2005. Même si le site est déjà un site minier – ce qui limite d’emblée l’impact écologique et paysager du projet -il verrait son activité plus que doubler.

Ce projet a fait l’objet d’une concertation jusqu’au 31 juillet dans le cadre d’un débat public, et suscite des inquiétudes pour les riverain·es, et des interrogations pour les écologistes. Les médias se sont emparés du sujet, et nous sommes invités régulièrement à nous exprimer et à donner une position. Une position du parti est donc nécessaire pour ce sujet complexe.

Exposé des motifs

Avec près de 30% des émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) en France, les transports sont l’un des principaux contributeurs du dérèglement climatique. L’électrification des moteurs est un levier de la réduction des émissions de CO2 de notre parc de véhicules. Par ailleurs, la montée en puissance des EnR électriques nécessite des capacités de stockage. Enfin, le développement des outils de communication numériques crée également des besoins croissants en batteries contenant du lithium.

L’explosion des besoins mondiaux en lithium pose la question de la soutenabilité de ce développement. Aujourd’hui, son extraction et sa transformation reposent sur trois pays, l’Australie, le Chili et la Chine et sur cinq entreprises, états-uniennes ou chinoises, accroissant la dépendance des pays européens. La France dépend à 100% des importations pour son approvisionnement en lithium. L’ouverture de mines de lithium en France s’inscrit donc aussi dans un objectif de souveraineté économique et industrielle.

L’exploitation de ces matériaux dans les pays producteurs se fait au détriment des populations locales dans des conditions socialement et environnementalement trop souvent déplorables. Le site d’Échassières présente l’amorçage d’une filière lithium en France et en Europe, et pourrait devenir une des plus grandes mines d’Europe. Ce choix doit être démocratique, au regard des enjeux internationaux, nationaux et locaux.

SOBRIÉTÉ On ne peut extraire des minerais critiques sans penser en amont à la sobriété des usages. C’est à la fois une question de justice sociale et internationale, ainsi qu’une question de préservation de nos ressources naturelles, matérielles et énergétiques. Il n’est pas envisageable de détruire la coupole de granite blanc de Beauvoir sans prise en compte de trois nécessités :

  • Un stock limité de ressources : nous devons penser rareté et préservation de la ressource afin d’en prévoir l’allocation la plus juste et la plus efficiente dans la durée ;
  • Plafonner le plus possible les impacts écologiques de la filière, du projet et (des usages) du minerai (cycles matières, eau, carbone) ;
  • Une répartition équitable de la ressource avec dimensionnement des usages selon les besoins.

Partir d’une clef de répartition incluant évolutions démographiques, celles des réserves et réduction maximale des impacts, pourrait servir à définir un plafond des volumes d’extraction et les usages possibles.

ÉNERGIE D’après les données fournies par Imerys, jamais dans l’histoire industrielle de l’Allier, une activité n’avait requis une telle mobilisation de ressources et de consommation d’énergie. Au vu de l’ampleur industrielle de ce projet, il est évident que les aspects énergétiques restent, à ce stade, insuffisamment étudiés.

TRANSPORT Le projet devrait dès le départ garantir le transport de la pulpe de mica lithinifère, des déchets et résidus de la conversion par chemin de fer. Cet aspect revêt une dimension symbolique quant à l’exigence environnementale de celui-ci, mais il supprime une quantité de nuisances réelles non négligeable pour les riverains des routes de l’Allier.

EAU Sur la question de l’eau, deux aspects nécessitent des réponses approfondies de la part d’IMERYS. D’une part celui des impacts hydrogéologiques de l’activité minière, d’autre part celui des prélèvements et des consommations d’eau pour l’extraction, la concentration puis la conversion. Dans un contexte de tension croissante sur la disponibilité de la ressource en eau, cette activité minière représente un accroissement important des prélèvements, et à ce titre appelle à la plus grande vigilance.

DÉCHETS Le lithium étant disponible en petite quantité dans le granite (0,9 %), son extraction et sa transformation engendre des quantités importantes de déchets, sous forme de roches et résidus chimiques. L’impact des réactifs utilisés dans le process de conversion n’est pas présenté par Imerys, et suscite des interrogations, en termes de pollution et de risque. Ainsi, la question de la dissémination et du stockage des déchets non valorisables ne laisse pas d’interroger. C’est l’un des impacts les plus lourds et les plus étendus du projet EMILI, malheureusement à ce jour peu évoqué, encore moins évalué.

BIODIVERSITÉ Beauvoir se situe en bordure de la forêt des Colettes, classée Natura 2000, dans le bassin versant de la Bouble. Il est impératif que ce projet ne se fasse pas au détriment de la biodiversité locale. Des oppositions locales fortes existent, légitimement inquiètes de leur cadre de vie, elles doivent être entendues. A ce jour, malheureusement, le porteur du projet ne leur apporte que peu de réponses.

SOCIAL Si le passé minier de cet endroit du département est un atout pour l’acceptabilité du projet, les conditions de travail dans l’extraction des minerais restent éprouvantes. Même si ce n’est plus Germinal, il convient d’être extrêmement attentif aux engagements du porteur du projet concernant ses engagements sociaux, et garantissant de bonnes conditions de travail.

Motion

Réuni le 5 octobre 2024, le Conseil Fédéral des Écologistes :

  • Rappelle que ce projet doit impérativement s’accompagner d’une évolution des pratiques de consommation pour que les usages sobres deviennent la norme, notamment concernant la mobilité électrique qui ne devrait représenter qu’une part raisonnable de nos déplacements futurs, et que des expertises indépendantes doivent compléter les données issues du porteur de projet. Cette réflexion pourrait être le fruit d’une convention citoyenne, suivie d’un débat parlementaire.
  • Demande au porteur de projet une transparence maximum quant à l’établissement précis du volume de ressource productible. La priorité est de connaitre la capacité réelle de ce site de contribuer à la transition des mobilités françaises et européennes. C’est à cette aune-là, que nous pouvons déterminer, la nature des sacrifices que nous sommes collectivement prêts à faire pour permettre la transition.
  • Appelle Imérys et la France à s’engager dans la démarche de certification EITI (Extractive Industries Transparency Initiative)

Concernant le projet, le Conseil Fédéral se prononce pour :

  • L’établissement d’un bilan énergétique global détaillant notamment tous les points de levier dans le sens d’une sobriété, d’une efficacité des process et de l’emploi d’énergies renouvelables ;
  • l’établissement d’un budget carbone élargi tant des process de production eux-mêmes que de l’amortissement carbone du lithium produit (avec explicitation de la démarche de calcul) ;
  • la mise en place d’un plan de gestion quantitatif et qualitatif de tous les déchets du projet EMILI ;
  • La gestion ferroviaire des ressources et des déchets et résidus. Quelle que soit la décision finale, le non-recours au rail pour les projets d’extraction de lithium vaudrait refus par les écologistes.
  • La mise en place d’un Comité de suivi citoyen des eaux.

Enfin, quand Imérys sera en mesure de répondre à toutes les interrogations, et aura pris les engagements précédents, la tenue d’un référendum à l’échelle des départements de l’Allier et du Puy de Dôme.

Aujourd’hui, si le débat a le mérite d’exister au niveau local, il doit ouvrir les portes d’un débat plus large sur le modèle d’extraction que nous voulons et pouvons porter en France dans la perspective d’un modèle économique viable et pérenne en prise avec la réelle limitation des ressources dont il dépend. Le contrôle démocratique de ce projet est indispensable, avant son lancement, et tout au long de l’activité.