EMME : un projet industriel à hauts risques, de la Nouvelle-Aquitaine à la Nouvelle-Calédonie

Retrouvez ci-dessous la position du groupe écologiste solidaire et citoyen de la région nouvelle aquitaine concernant le projet EMME.


Le groupe écologiste du Conseil régional a émis des observations sur le projet d’usine EMME de raffinage de nickel et de cobalt pour la filière batterie, sur la zone Grattequina, en bordure d’estuaire de la Gironde, lors de la consultation publique qui vient de s’achever. Sa contribution pointe notamment le choix du site d’implantation en zone inondable, alors que l’usine manipulera des produits toxiques au contact de l’eau. Il relève aussi le lien avec la crise en Nouvelle-Calédonie, où la volonté du gouvernement de rapatrier en métropole les activités de raffinage du nickel extrait dans l’île a contribué à exacerber les tensions.

C’est la première étape d’un projet industriel présenté comme un fleuron de la réindustrialisation prônée par le gouvernement, notamment lors du sommet Choose France à Versailles le 13 mai : la consultation publique qui vient de s’achever a porté sur la modification du Plan local d’urbanisme de la Métropole de Bordeaux, afin de permettre l’implantation, sur le domaine portuaire de l’estuaire, de l’usine EMME (Electro Mobility Materials Europe). Cette unité vise à convertir du nickel et du cobalt, nécessaires à la fabrication de certaines batteries pour véhicules électriques.

Les élu·es écologistes de la Région ont fait plusieurs observations, à l’occasion de leur contribution à cette consultation.

« La relocalisation en France de la filière batterie peut trouver sa pertinence pour décarboner les mobilités, mais il serait risqué de le faire sur le site prévu, en bordure d’estuaire, en artificialisant un site Natura 2000 et des terres agricoles, argumente Christine Seguinau, conseillère régionale en Gironde et coprésidente du groupe écologiste. Cette usine serait classée « SEVESO seuil haut », en raison de la présence de produits potentiellement toxiques au contact de l’eau ; or, en raison du dérèglement climatique, avec la montée des eaux et les événements météorologiques extrêmes imprévisibles, le risque pris est insensé pour les populations, même en surélevant la construction. Il existe des surfaces déjà artificialisées et non inondables en Nouvelle-Aquitaine. Le porteur de projet peut se référer à la récente cartographie de ces friches à industrialiser, publiée par le gouvernement. Il serait logique de cibler ces sites en priorité », propose-t-elle.

De plus, le gouvernement, avec l’accord de la Région, a inscrit cette usine dans la liste des projets d’envergure nationale et européenne qui vont être décomptés de la réduction de l’artificialisation des sols. « Être qualifié de « projet industriel stratégique » par le gouvernement ne peut en aucun cas donner un droit à artificialiser un espace naturel et agricole sans condition. Cela n’a jamais été l’objectif de la loi ZAN (Zéro artificialisation nette), au contraire », indique Emilie Sarrazin, conseillère régionale en Gironde et membre de la conférence régionale en charge d’appliquer la loi ZAN.

Plus largement, le groupe écologiste régional s’interroge sur la politique économique du gouvernement, et en particulier sur le « Pacte nickel » de Bruno Le Maire, que les élus calédoniens ont refusé catégoriquement et qui a contribué à la crise actuelle. Ce pacte leur proposait d’exporter leur nickel brut, première ressource de ce territoire d’outre-mer et dont l’industrie fait vivre un salarié sur quatre, niant les accords de Nouméa et leur volonté de préserver l’industrie du raffinage sur place, avec ses emplois et sa valeur ajoutée.

« Nous déplorons le manque de méthode et de vision économique du gouvernement qui, par le Pacte nickel, s’était vu à juste titre opposer une fin de non-recevoir par les autorités locales. Si l’exploitation de la ressource là où elle existe fait sens, en revanche, la visée purement exportatrice et le renoncement au raffinage sur place priveraient la Nouvelle-Calédonie de la valeur ajoutée de l’exploitation de ses richesses… Le projet dans l’estuaire de la Gironde apparaît dans cette perspective également comme un non-sens », estime Anne-Laure Bedu, conseillère régionale en Gironde et membre de la commission développement économique.

« Au regard des arguments apportés par notre contribution et par les nombreux autres avis défavorables lors de cette première consultation, nous demandons une saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) par la Région, pour garantir un processus de concertation transparent et démocratique », conclut Christine Seguinau.