Développer des projets bois-énergie vertueux

Retrouvez ci-dessous la motion adoptée lors du conseil fédéral des 5 et 6 octobre 2024


Résumé

Alors qu’il n’existe pas une filière bois-énergie monolithique mais une grande diversité d’installations, la motion entend faire le tri et dresser des lignes rouges à ne pas franchir. Elle distingue les modèles vertueux, qui méritent notre soutien car ils permettent de tenir nos objectifs climatiques, de ceux qui ne le méritent pas ou le méritent sous conditions. Pour outiller nos adhérent·es et justifier nos orientations politiques, le texte dresse un panorama préalable des enjeux énergétiques, sociaux et environnementaux du bois-énergie, première énergie renouvelable en France, indispensable à la décarbonation de la production de chaleur. Une finalité est de ne pas faire porter au bois-énergie tous les péchés de la filière bois et ainsi d’éviter de “jeter le bébé avec l’eau du bain”.

Exposé des motifs

Des craintes s’expriment dans la société concernant le bois-énergie, notamment sur les impacts en termes de biodiversité ou de stockage de carbone en forêt. Dans ce contexte, il convient de partir des pratiques des acteurs de terrain vertueux pour construire une position exigeante, fondée sur l’état de la connaissance la plus actuelle.

En matière de production d’énergie, l’attention politique se porte souvent sur l’électricité, or celle-ci ne représente qu’un quart des consommations énergétiques françaises. Ce qu’il faut décarboner en priorité, ce n’est pas notre mix électrique mais bien la chaleur qui représente environ 45% de la consommation globale d’énergie finale en France en 2022 mais n’est produite qu’à seulement 27,2% par des énergies renouvelables, le reste étant couvert par les fossiles[1]. Cette chaleur renouvelable est produite, à hauteur de 63 % par le bois-énergie[2].

De fait, le bois-énergie est la première énergie renouvelable en France, devant l’hydraulique, l’éolien, le solaire et la géothermie. En 2022, il représente une production énergétique de 112 TWh (à plus de 90% sous forme de chaleur), soit le tiers des énergies renouvelables en France[3].

Qu’envisager pour le futur ? Les scénarios de prospective énergie-climat pour 2050 les plus ambitieux en matière de sobriété prévoient une augmentation de la production d’énergie à partir de biomasse solide (Négawatt, ADEME S1 et S2). Ces scénarii partent tous du principe que le bois-énergie peut et doit se positionner en complément des autres usages du bois (notamment pour la construction et la rénovation énergétique) et à partir des co-produits de cette filière, tout en restant à des niveaux globaux de prélèvement compatibles avec le maintien d’une capacité de stockage du carbone.

Ils prévoient également une progression de l’utilisation du bois dans la construction et la rénovation énergétique, or celle-ci conduira mécaniquement à augmenter la ressource disponible pour le bois-énergie : au moment de la récolte, 30 à 40% du volume d’un arbre ne partira pas en scierie, et ensuite environ 50% du bois entrant dans une scierie en ressort sous forme d’écorces, chutes, sciure…

Ces objectifs ambitieux doivent inviter les Écologistes à donner un cadre rigoureux au développement de la filière bois-énergie. Or, pour l’encadrer, il faut comprendre la diversité des installations :

  • Résidentiel-tertiaire : Le principal débouché pour la filière reste le chauffage domestique individuel, principal consommateur de bois-énergie, avec 66 % de la consommation primaire selon le SDES. Si l’on y ajoute le chauffage domestique collectif, en 2022, la chaleur produite grâce au bois-énergie permettait de chauffer 8,8 millions de logements[4], soit plus d’un quart des ménages. En effet, le bois-énergie n’approvisionne pas que des maisons individuelles, les chaufferies collectives ou réseaux de chaleur fonctionnant au bois permettent de chauffer les logements collectifs, bâtiments publics et tertiaires.
  • Industrie : elle correspond à 9% de la consommation primaire de bois-énergie qui sert surtout à l’alimentation énergétique des procédés de production : historiquement dans la filière bois, la papeterie, l’agro-alimentaire…
  • Électricité : le bois est très minoritaire voire marginal dans sa production. La biomasse solide ne représente que 4,6 TWh en 2022, selon le SDES) : les objectifs PPE sont déjà atteints et aucun nouvel appel d’offres ne serait prévu à ce stade pour l’électricité. Le cas de Gardanne, centrale thermique au charbon dont une tranche a été reconvertie à la biomasse en 2016 est souvent cité, à juste titre, comme l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. C’est un objet unique, et qui doit le rester.

Le bois-énergie est une énergie renouvelable dès lors que le rythme de prélèvement de la ressource ne dépasse pas son rythme de renouvellement. C’est le cas en France où la forêt française reste en croissance même si elle demeure fragile et doit être défendue. Le bois-énergie a un bilan carbone global favorable par rapport aux fossiles, sous réserve d’une exploitation forestière adaptée[5].

C’est une énergie locale et décentralisée : elle est largement répartie sur une très grande partie du territoire et susceptible d’être appropriée par les acteurs locaux à l’échelle des besoins des territoires (ex : petits réseaux ruraux alimentés par l’entretien des haies). A la différence de l’électricité, la chaleur ne se transporte pas sur de longues distances, elle doit être consommée à proximité directe du lieu de production. C’est donc un levier de développement territorial inscrit dans la vie locale, et permettant une certaine autonomie du monde rural. C’est enfin une énergie économique dont le prix est assez stable. Le bois “bûche” est aujourd’hui, en zone rurale ou “péri-urbain profond”, l’énergie des pauvres : elle permet aux foyers aux revenus modestes habitant en maison individuelle de continuer à se chauffer malgré l’explosion des prix du fioul ou du gaz.

Motion

Afin de bien hiérarchiser les usages du bois, rare et précieux, et de tenir compte des nombreux enjeux associés à la forêt (stockage de carbone, biodiversité…), il convient d’ajuster nos positions sur le bois-énergie en fonction du type d’installation impliquée, du schéma d’approvisionnement en combustible et du type de gestion sylvicole associé.

Les Écologistes sont :

  • favorables à l’utilisation du bois-énergie pour le chauffage des bâtiments, en substitution des fossiles (gaz, fioul, charbon), sous réserve de :
    • mesures ambitieuses de sobriété et de rénovation énergétique en amont, et d’une vigilance sur le bon dimensionnement des équipements.
    • l’utilisation d’équipements de chauffage performants permettant, pour le chauffage domestique, de limiter la consommation de bois grâce à un rendement élevé, et de maîtriser les émissions de poussières fines par une combustion optimisée (les aides au renouvellement du parc devront être renforcées) ; cela pourra impliquer l’interdiction, en zone urbaine dense marquée par un enjeu fort de pollution aux particules fines, des foyers ouverts.
    • la recherche préalable, pour les réseaux de chaleur, de solutions autres que la biomasse (chaleur fatale, géothermie, solaire thermique) et d’une maîtrise par les collectivités du caractère local et durable des approvisionnements.
    • la priorité absolue aux approvisionnements à partir des co-produits de la sylviculture et de la filière bois, et des bois de rebut.
    • respect de la doctrine des Ecologistes-EELV en matière d’exploitation forestière dont replantation ou régénération spontanée de la forêt, maintien en forêt d’au moins 25% de la production biologique annuelle (en particulier les branches et menus bois), et conditionnement des aides à l’utilisation d’un pourcentage élevé de bois provenant de forêts certifiées (objectif 100%).
  • favorables, au cas par cas, aux projets d’utilisation de bois-énergie dans les procédés industriels, en fonction de l’énergie substituée, du rendement de l’installation, de la nature des approvisionnements et de leur distance.
  • favorables, au cas par cas, aux projets de production de granulés, en fonction de la nature (priorité à la sciure issue de l’industrie du bois) et de la distance des approvisionnements.
  • défavorables à l’utilisation du bois pour la production d’électricité, sauf cas particuliers de cogénérations industrielles performantes (ex : séchage du bois), en substitution des fossiles.
  • défavorables à l’utilisation de bois pour la production de carburants, en raison notamment du risque de faible rendement des process, donc de “surconsommation” de bois, et du risque de “fuite en avant” techniciste.
  • en parallèle, favorables à une augmentation massive des soutiens à l’usage du bois matériau qui est indispensable, notamment dans le bâtiment (construction et rénovation) : soutiens via la commande publique, la recherche et développement, la réglementation, le financement d’une sylviculture écologique et d’une industrie de la transformation responsable.

notes :

[1]  Fedene & ADEME, Panorama 2023 de la chaleur renouvelable et de récupération, p.4
[2]  Ibid, p.5
[3]  SDES, Chiffres-clés des EnR – Edition 2023
[4]  Fedene, Panorama 2023 de la chaleur renouvelable et de récupération – Fedene, p.5
[5]  Annexe 3 ainsi que l’avis d’expert de l’ADEME “Forêt, bois énergie et changement climatiques” daté de 2023


Annexes

Annexe 1 : Présentation détaillée des filières bois-énergie

On parle souvent du « bois-énergie » comme si c’était un objet unique voire monolithique, alors qu’il y a au moins quatre manières de faire du bois-énergie et donc autant de problématiques associées : le bois domestique, le bois collectif tel que l’ADEME et les collectivités le promeuvent, le bois-électricité, le bois-énergie « industriel » (grandes chaufferies dans l’industrie ou usages process). Sur chacun de ces segments l’analyse des Écologistes se doit d’être différenciée, et aboutir à des positions elles-mêmes différenciées. Dans le détail :

Le bois domestique comprend deux sous-catégories :

  • Le bois bûche est la première EnR en France. Le parc des installations de combustion est encore hétérogène, mais avec une forte montée en gamme depuis 15-20 ans (financement des appareils performants via crédit d’impôt). Parmi les différentes techniques, on retrouve :
    • Foyers ouverts (cheminées) : rendement faible (15% max), combustion mal maîtrisée d’où des émissions importantes de particules fines.
    • Inserts “avant 2000” mal isolés : rendement souvent inférieur à 40%, combustion un peu moins incomplète mais encore insuffisamment maîtrisée, encore des émissions de particules.
    • Poêles et inserts récents, labellisés Flamme Verte (label développé depuis 2000 par les fabricants et le syndicat des énergies renouvelables, soutenu par l’ADEME) : rendement autour de 80% pour les appareils 7*. En remplaçant un foyer ouvert ou un vieil insert par un Flamme vert 7*, on divise la consommation de bois par 2, 3 ou 4… et les émissions de particules fines par 10.
  • Le granulé, en forte progression : appareils globalement performants, combustible très régulier donc combustion efficace, possibilité d’automatisation… Le sujet fort de préoccupation : la fabrication des granulés et les risques de dérives en matière de rayon d’approvisionnement.

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) prévoit, d’ici 2028, d’augmenter le nombre d’appareils individuels jusqu’à 11 millions, sans augmenter la consommation de bois. En effet, les appareils de chauffage au bois-énergie voient leur rendement augmenter, les appareils peu performants étant progressivement remplacés. Ceci explique la forte baisse des consommations (de 22% en 7 ans) alors que le nombre d’usagers augmente légèrement. Ceci conduit aussi à une baisse des émissions globales de particules fines : les PM10 sont ainsi passées de 254,2 kt/an en 1990 à 121,4 en 2021 et les PM2,5 de 248,91 kt/an à 118,85 sur la même période (source : Gaz à effet de serre et polluants atmosphériques. Bilan des émissions en France de 1990 à 2022, page 322 et page 330) même si ces émissions restent évidemment un sujet de préoccupation important. D’une manière générale, il y a une forte vigilance à avoir sur le rendement des installations (plus le rendement est élevé, moins on pèse sur la ressource), sur la qualité des combustions et la maîtrise des émissions atmosphériques, sur les approvisionnements (nature, distance, contrôles…).

Approvisionnement bois bûche : il s’agit majoritairement de “petits bois” issus d’élagage, d’entretien des parcelles forestières et des haies en autoconsommation ou “économie informelle de proximité” pour environ les 3/4 (17Mm3) des quantités consommées ; le reste est apporté par des circuits commerciaux, principalement en approvisionnement local. Ces filières professionnelles sont en développement, avec une part croissante d’entreprises adhérant à des certifications garantissant la qualité du bois fourni.

Le bois-énergie a une forte dimension sociale de lutte contre la précarité énergétique : c’est une ressource gratuite ou quasiment gratuite via l’affouage (possibilité donnée par le Code Forestier à un conseil municipal de réserver une partie des bois de la forêt communale pour l’usage domestique des habitants), l’autoconsommation, les échanges entre voisins (« je t’aide à entretenir tes haies, je garde une partie du petit bois…”). C’est, enfin, l’option de sortie des fossiles la plus réalisable pour toutes les maisons individuelles anciennes dont les propriétaires n’ont pas les moyens d’investir 15000 € dans une pompe à chaleur, et éventuellement encore 15000€ de plus pour installer une boucle d’eau chaude. Enfin, pour le logement social en milieu urbain, le bois-énergie sur réseau de chaleur est souvent la meilleure option (en l’absence de potentiel géothermique / de récupération de chaleur fatale) pour sortir des énergies fossiles et protéger les locataires des variations erratiques du prix de celles-ci.

Le bois “collectif” :

Le bois-énergie que pratiquent de nombreuses collectivités – y compris dirigées par les Écologistes – et que l’ADEME soutient partout en France est originellement conçu comme un bois-énergie de proximité, “en circuit court”. Il vise à alimenter en chaleur les logements, bâtiments publics, ou entreprises des territoires à partir de biomasse (plaquettes forestières ou bocagères, connexes de scieries, bois de rebut…) produite durablement sur ces mêmes territoires. La production d’énergie se fait directement via des chaufferies dédiées ou via des réseaux de chaleur. Son développement est soutenu par l’ADEME depuis 1995 (Plan Bois-énergie et développement Local) avec une forte accélération depuis la mise en place du Fonds Chaleur en 2009.

Un réseau de chaleur kézako ?
Schématiquement, c’est un chauffage central à l’échelle d’un bourg, d’un quartier, d’une ville. Il fonctionne grâce à une ou plusieurs chaufferies centralisées qui produisent l’énergie pour l’ensemble des consommateurs raccordés. L’énergie est distribuée par un réseau d’eau chaude très bien isolé qui aboutit dans les bâtiments à des échangeurs de chaleur, implantés dans les anciennes chaufferies.
Intérêts : mutualisation des outils de production, équilibrage des consommations, possibilité de mobiliser des énergies renouvelables ou de récupération.
Ces réseaux de chaleur sont souvent exploités via des systèmes de concession, contrats de longue durée entre les collectivités qui en fixent les objectifs et des opérateurs privés qui apportent le financement. Ils peuvent aussi être développés “en régie” par les collectivités elles-mêmes, ou via des montages de type coopératif associant les citoyens – usagers.

Le bois-énergie “Industrie” :

Parallèlement au développement de chaufferies collectives, les pouvoirs publics soutiennent également la mise en place de chaudières biomasse dans les entreprises en substitution du charbon, du fioul, du gaz… L’ADEME lance depuis 2009 des appels à projets, historiquement appelés BCIAT (Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire). Plusieurs centaines de chaufferies sont aujourd’hui en place, d’abord dans la filière bois, les papeteries, l’agro-alimentaire.

En tout – résidentiel, tertiaire et industrie représentent 7915 chaufferies bois de plus de 50 kW fin 2022 (une chaudière individuelle représente 10 à 15 kW), produisant 31,1 TWh de chaleur renouvelable soit 5% de la consommation finale de chaleur (source : Panorama 2023 de la chaleur renouvelable et de récupération – Fedene et al. avec la participation de l’ADEME, page 7). Au total (collectif + industriel), l’ADEME a aidé 2400 chaufferies biomasse entre 2009 et 2022, et plus de 1200 réseaux de chaleur (création / extension).

La production d’électricité :

La production d’électricité seule est structurellement une mauvaise idée car le rendement est médiocre (30%), limité par la nécessaire transformation en électricité de la chaleur produite par la combustion, et des alternatives renouvelables existent – éolien, photovoltaïque, hydroélectricité.

La France, contrairement à d’autres pays, n’a pas fait sur la durée le choix de grosses unités de production d’électricité à partir de biomasse. La seule initiative importante du gouvernement français a été le lancement de cinq appels d’offres par la Commission de Régulation de l’Énergie entre 2005 et 2016 (le dernier étant clôturé en 2020), portant plutôt sur des installations électriques de taille moyenne. Gardanne a été retenue, dans des conditions très controversées, dans le cadre du 4ème appel à projets en 2011. Ce choix a validé un choix politique dommageable : l’absence de réflexion sur la formation et la reconversion des salarié·e·s des industries électriques et gazières dans un monde post-fossiles. In fine, diaboliser le bois-énergie à partir de ce contre-exemple ne bénéficie qu’à ceux qui veulent continuer à brûler du gaz, ou à ceux qui prônent une électrification et une nucléarisation à outrance.

Aujourd’hui environ 70 installations sont en fonctionnement, essentiellement des cogénérations (production conjointe d’électricité et de chaleur) dans l’industrie, majoritairement dans la filière bois et la papeterie, utilisant donc les déchets et sous-produits des usines concernées.

Globalement cette filière est très peu développée en France, et doit le rester.

Les approvisionnements :

Les combustibles utilisés dans les chaufferies collectives et industrielles sont d’abord :

  • de la plaquette forestière, obtenue en broyant les bois de faible diamètre coupés dans les travaux d’éclaircie et de cloisonnement (ouverture de passages au sein des parcelles pour en permettre l’accès), et une partie des branches, cimes, houppiers… qui représentent jusqu’à 40% du volume d’un arbre et qui restent sur les parcelles quand on a enlevé le tronc utilisé, lui, pour produire du bois d’œuvre ;
  • de la plaquette bocagère, issue de l’entretien des haies ou de l’agroforesterie (plus on développe les haies, plus cette ressource augmente) ;
  • des co-produits (connexes) de scierie : écorces, chutes broyées, sciure… qui représentent jusqu’à 50% de ce qui entre dans une scierie. Pour faire très schématique, on part d’un arbre à peu près rond et pas tout à fait droit, et on veut le transformer en une série de parallélépipèdes rectangles, après l’avoir écorcé : on a donc obligatoirement une part importante de chutes. Ensuite, le terme “l’épaisseur du trait” prend tout son sens : avec des lames ayant couramment une épaisseur de l’ordre de 7 mm, le sciage génère également une proportion significative de sciures ;
  • des bois de rebuts, caisses bois ou palettes non traitées, issues notamment des déchetteries ou des centres de tri de déchets, et broyées.
  • Le développement actuel du bois-énergie, mais aussi la faiblesse de la demande de bois-matériau (qui limite la production de connexes), peut néanmoins entraîner une part d’utilisation d’arbres entiers. Ceci doit absolument rester limité.

Concernant les distances : pour bénéficier des aides publiques sans lesquelles ils ne pourraient se développer, tous les projets de taille significative doivent fournir des plans d’approvisionnements, et les justifier sur la durée. Les distances moyennes d’approvisionnement sont en général de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres, quasiment toujours inférieures à 100 km. Sans même parler de préoccupations énergétiques, environnementales ou réglementaires, il y a une logique à cela : le bois-énergie est un combustible relativement bon marché et peu dense : le transporter sur de longues distances ne serait pas économiquement viable. Pour autant, loin de toute forme de naïveté, les écologistes insistent sur la nécessité de faire contrôler, par les services de l’Etat, les déclarations des exploitants en matière de rayon d’approvisionnement.

Approvisionnements (cadre réglementaire, certifications, normes…) :

L’ADEME pousse depuis plusieurs années les porteurs de projets bois-énergie (via le conditionnement de ses aides) à s’approvisionner en plaquettes provenant de forêts exploitées en respectant les certifications FSC ou PEFC. Parallèlement, le Ministère de l’Ecologie a défini des procédures conditionnant l’utilisation d’emballages et déchets bois comme combustible. Enfin les directives européennes sur les énergies renouvelables RED II et RED III ont défini des critères de durabilité de la biomasse utilisée pour l’énergie.

Annexe 2 : Les chiffres détaillés des scénarios de prospective énergie-climat

Les écologistes s’inscrivent, pour ce qui est du bois-énergie, dans la perspective des scénarios de prospective énergie-climat les plus ambitieux en matière de sobriété tels que Négawatt, ADEME S1 et S2. S’ils sont plus raisonnables que la PPE en raison des inquiétudes qui se développent sur l’évolution de la forêt (mortalité des arbres en hausse, capacité d’absorption de carbone…), ces scénarios prévoient une augmentation de la production de bois-énergie :

Négawatt prévoit une production énergétique à partir de biomasse solide de 196,3 TWh pour 2050 dans son scénario 2022. L’association de prospective, indique dans la synthèse de son rapport : “le bois utilisé pour l’énergie augmente de près de 50 %. Utilisé sous forme de bois bûche, plaquettes ou granulés, il est un co-produit ou un résidu des filières de production de bois-matériau, au stade de la sylviculture, des industries de transformation, ou de la consommation. Il n’y a pas de sylviculture dédiée au bois- énergie”. Dans ses scénarii 1 et 2, ceux qui misent le plus sur la sobriété (division des consommations par deux, par rapport à 2015), l’ADEME prévoit aussi un recours significatif au bois-énergie (respectivement 134 et 139 TWh), essentiellement pour le chauffage des bâtiments existants et des usages de process dans les entreprises, en substitution des fossiles. La consommation progresse moins que pour Négawatt (et cette progression repose largement sur des ressources non forestières).

Compte tenu du risque d’une perte de production biologique de la forêt liée au changement climatique, et des difficultés de mobilisation découlant de la structure de la propriété forestière, il faut probablement rester prudent quant à ces chiffres.

Pour rappel, l’objectif fixé par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) pour 2028 est de produire de 157 à 169 TWh de chaleur avec de la biomasse contre 109 TWh en 2022, soit une augmentation de quasiment 50% en 6 ans, sachant que la quasi-totalité de cette production correspond au bois-énergie (quelques TWh issus de la combustion de résidus agricoles et alimentaires).

Annexe 3 : Le bilan carbone du bois-énergie, des résultats fonction des pratiques sylvicoles

La source la plus à jour à mars 2024 est l’étude publiée par l’ADEME en janvier 2022 intégrant les résultats des travaux de recherche conduits depuis le milieu des années 2010. C’est celle-ci, et non les études antérieures (produites par l’ADEME, ou le CITEPA, ou la filière bois…), qu’il convient de retenir pour fonder notre réflexion politique.

Pour produire les données chiffrées présentées dans le tableau ci-dessous, l’étude retenue se fonde sur une diversité de scénarios de système de gestion sylvicole, en fonction de deux horizons temporels (30 et 100 ans), pour balayer l’ensemble des cas envisageables en situation réelle. En effet, le bilan carbone du bois-énergie dépend des modalités de récolte du bois qui jouent sur les stocks de carbone et les puits de carbone forestier disponibles.

Heureusement, comme l’indique l’ADEME : “Il ressort que le bilan GES total de ces exemples reste plus faible que celui de la production de la même quantité d’énergie à partir de gaz naturel, sauf dans un cas spécifique”, à savoir celui de la transformation d’un taillis mis en gestion. Pour information, le facteur d’émission retenu pour le gaz naturel est compris entre 290 kg CO2 éq/MWh th et 400 kg CO2 éq/MWh th.

Surtout, le rapport insiste bien sur “l’intérêt de favoriser des systèmes bois énergie croisés avec une production de bois matériau, la nécessité de prendre en considération les spécificités des parcelles (stock de carbone initial, fertilité et productivité), ainsi que l’enjeu des stocks de carbone dans les sols.”

Annexe 4 : Facteurs d’émissions de différents combustibles ramenés à l’énergie produite

Source : CITEPA, 2020

Le fait que les émissions de CO2 de la combustion du bois soient largement supérieures à celles du gaz et comparables à celles du charbon est quelque chose de bien connu et documenté. Cela s’explique par le fait que le gaz est… un gaz, soit un combustible très homogène, avec une « surface de contact » avec le comburant (l’air) quasi parfaite, alors que le bois est… solide, hétérogène, etc.

Trois points saillants sont à retenir :

  1. on ne brûle pas du bois pour le plaisir (ou pas que) mais d’abord pour produire de l’énergie, en l’occurrence de la chaleur. Si on ne brûle pas de bois, on devra utiliser une autre source de chaleur, très souvent fossile, et également émettrice de CO2- même si elle en émet moins au stade de la combustion.
  1. cette source fossile sera, elle, émettrice nette, à l’échelle des temps géologiques, alors que le bois a stocké du carbone durant des années récentes, et que la forêt continuera à en stocker si on replante ou qu’on favorise la régénération naturelle.
  1. par ailleurs, les différentes étapes d’extraction, raffinage, stockage, transport des fossiles sont significativement émettrices – de même, dans une proportion moindre, que l’abattage et le transport du bois. Il est donc nécessaire de travailler en analyse globale de cycle de vie (cf. Annexe 3).

Annexe 5 : Les points d’attention

Les émissions atmosphériques : la combustion du bois représente 65% des particules fines PM2,5 émises en France ; 98% proviennent du chauffage domestique individuel, seulement 2% du secteur collectif, tertiaire et industriel. En effet, les chaufferies collectives sont particulièrement encadrées par la réglementation, notamment pour le traitement des fumées, et équipées de systèmes de traitement élaborés. Cela ne dispense évidemment en rien d’améliorer encore et toujours les contrôles pour vérifier que les critères administratifs soient bien respectés. Toutefois, ces émissions de particules ont été divisées par 2 depuis 1990 (voir plus en annexe 2), du fait de l’amélioration des performances des appareils et du renouvellement du parc. Il faut donc continuer à promouvoir l’installation d’appareils domestiques performants, et le remplacement des matériels anciens. Les Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), cancérigènes, sont liés aux imbrûlés dus à une mauvaise combustion.

Les approvisionnements : le rayon d’approvisionnement idéal est à apprécier en fonction du type d’équipement. Il semble pertinent de viser une limite haute à 100 km pour les grands réseaux de chaleur et d’adapter ce rayon au contexte géographique, en fonction de l’existence d’une ressource locale.

Conditions d’exploitation forestière (sachant que cette préoccupation ne doit pas être limitée au sujet du bois-énergie…) permettant de garder un bilan carbone favorable, et de préserver les écosystèmes. Même si l’accroissement forestier annuel décline fortement ces dernières années, il a doublé depuis le milieu du XIXème siècle, et la forêt représente aujourd’hui 31% du territoire. L’analyse de risque menée dans le cadre de la mise en œuvre de la directive européenne sur les énergies renouvelables RED II conclut au fait que, globalement, les forêts sont gérées durablement en France.

Articulation des usages entre bois d’œuvre, bois d’industrie et les différents usages énergétiques… (cf. schéma ci-dessous tiré de l’avis de l’ADEME daté de 2023).

Le bois-énergie représente 26 000 emplois directs en France (à peu près le double, avec les emplois indirects) ; à quantité d’énergie équivalente, le bois génère 3 à 4 fois plus d’emplois que les énergies fossiles. Par ailleurs, la valorisation, à travers le bois-énergie, des sous-produits de la filière bois est une des conditions de l’équilibre technique et économique de celle-ci, qui emploie environ 394 000 personnes.

Globalement, la gestion de la ressource bois française reste dans les limites de ce que la forêt peut fournir de manière durable. Si, comme les écologistes le souhaitent, on développe la construction et la rénovation bois, on va continuer à développer des approvisionnements pour le bois-énergie (rappel : pour 1 t de charpente ou de cloisons, on a produit 1,5 t de branches, écorces, chutes, sciure…). Il existe un “chemin de crête” : à nous de l’emprunter.

L’ADEME impose depuis plusieurs années, pour les projets qu’elle soutient (sachant que quasiment aucun projet ne se fait sans aide de l’ADEME), un pourcentage de bois provenant de forêts certifiées FSB ou PEFC, adapté dans chaque région en fonction de la situation de celle-ci.