COP 29 à Bakou : pour un sommet à la hauteur du péril climatique

Des COP plus que jamais indispensables

Le constat est alarmant : la planète se réchauffe à un rythme sans précédent qui dépasse presque les prévisions les plus pessimistes. Dans ce contexte, il est, plus que jamais, indispensable que la communauté internationale se fixe des règles communes pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, accélérer l’adaptation et prendre en compte les pertes et dommages, bref s’adapter à un monde qui se réchauffe. Fort heureusement, depuis la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), en 1992, les parties à la CCNUCC se réunissent annuellement lors de la Conférence des Parties (COP) pour produire du droit international climatique. Les COP ont ainsi permis la signature du Protocole de Kyoto en 1997 ou l’accord de Paris en 2015, des jalons importants dans l’histoire de l’écologie politique et de la diplomatie. 

Évidemment ces grands rendez-vous internationaux sont souvent synonymes de frustration chez les militant-es du climat et les pays les plus vulnérables car les textes qui en sortent sont peu contraignants et manquent d’ambition. Pour autant, il n’est pas envisageable de boycotter les COP car elles demeurent le seul espace où tous les pays sont rassemblés afin de discuter et d’échanger en matière de climat. Le péril écologique est trop grand pour se passer des COP, quand bien même elles sont  accueillies dans les Etats pétroliers. Leur tourner le dos, ou pire les affronter, ne les fera pas disparaître de la carte du monde et encore moins leur économie fossile. La coopération doit rester la voie à privilégier.

Choix du pays hôte : renforcer les garanties en matière d’État de droit et de non-prolifération des fossiles

Pour autant, les écologistes dénoncent le choix de la ville hôte pour la COP29 de novembre 2024 : Bakou, en Azerbaïdjan. Ce choix de lieu est problématique à plus d’un titre. 

Il n’est pas acceptable de tenir un tel rendez-vous dans un pays qui ne respecte pas la souveraineté de son voisin alors même qu’un des principes fondamentaux  du droit international est le respect de la souveraineté des Etats. Pire, l’Azerbaïdjan commet depuis des mois un  nettoyage ethnique dans le Haut-Karabagh. Il est inenvisageable de laisser un pays autocratique, qui bafoue les droits humains les plus essentiels en retenant des journalistes et des opposant·es politiques en prison sans motif valable, faire sa promotion médiatique. La lutte contre le changement climatique implique le respect des droits fondamentaux (liberté d’association, de réunion, d’expression, de la presse…), indispensables pour faire cesser les projets climaticides. 

Les Écologistes-EELV soutiennent donc l’initiative de libération des prisonniers politiques retenus par le régime azéri et souhaitent que s’ouvrent des discussions quant aux conditions à remplir en matière de droits fondamentaux (culte, genre, minorités etc) par les pays hôtes des COP.

Au regard de l’intérêt sans cesse renouvelé des régimes autoritaires et exportateurs de fossiles pour l’organisation des COP, Les Écologistes-EELV encouragent l’instauration d’un critère de sélection des pays hôtes fondé sur le respect des droits fondamentaux, notamment politiques. Sans pénaliser a priori les Etats qui abritent des réserves fossiles importantes, il faudrait également tenir compte de leur dynamique de réduction du pourcentage des fossiles dans leurs sources de revenus, et surtout de la dynamique de réduction de l’utilisation des fossiles dans la consommation énergétique des pays. 

Fonctionnement des COP : pour un bannissement de la présence des lobbies fossiles

Toujours sur le mode de fonctionnement de la COP, au-delà de la ville hôte, il s’agirait de mettre un terme à la foire commerciale du climat dans la zone dite “verte” du site. Les entreprises ne sont pas les bienvenues pour faire la publicité de leur service RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) tout en faisant du lobbying contre des normes restrictives. Surtout, les entreprises fossiles et celles qui les promeuvent doivent tout simplement être bannies. Qui imagine inviter des entreprises du tabac à un sommet sur la lutte contre le tabagisme ? 

Pour la zone dite bleue, il s’agit de mieux contrôler les délégués choisis par les Etats participants à la COP qui comptent parfois des représentants des industries fossiles dans leur délégation. Le système d’accréditation doit être revu en profondeur pour davantage de transparence et une meilleure prévention des conflits d’intérêt. 

Les enjeux de la COP 29 : concrétiser la promesse d’une justice climatique internationale

En sus d’une réforme de l’organisation des COP que nous espérons voire débattue à Bakou, les enjeux à traiter lors du sommet seront nombreux et méritent toute notre attention. Parmi les priorités : la lutte contre les fossiles et celle pour plus de justice entre Nord global et Sud global. 

En ce qui concerne le premier point, Les Écologistes appellent à la rédaction de définitions claires et ambitieuses des notions de ”sortie hors des fossiles”, trop vague en l’état, et de “combustibles fossiles non adossés à des dispositifs de captage de carbone”. Le risque : voir fleurir des trajectoires énergie-climat nationales potentiellement peu ambitieuses reposant sur le recours massif aux dispositifs de captation du carbone. De manière plus générale, nous soutenons l’instauration d’un Traité de non prolifération des fossiles.

Pour ce qui est du second point, un travail important doit être effectué concernant les Nouveaux Objectifs Quantifiés Collectifs (New Collective Quantified Goal en anglais). Ce terme technique désigne l’effort financier promis par les pays dits développés à destination des pays en développement à partir de 2025. Il est crucial que ces transferts financiers le soient sous forme de dons et non de prêts et qu’ils financent à la fois l’atténuation, l’adaptation et les pertes et dommages, c’est-à-dire les coûts de reconstruction consécutifs à des dégâts liés au changement climatique. Surtout le montant plancher devrait être, comme réclamé par les ONG, au moins supérieur à 1 000 milliards d’euros annuels et ne pas consister en de simples réétiquetages de fonds d’aide au développement mais bien prendre la forme de subventions. Les NCQG doivent s’ajouter aux dispositifs existants sans grever les finances publiques grâce à une taxation accrue des entreprises et patrimoines les plus émetteurs. 

Ces objectifs en matière de transferts financiers doivent, évidemment, tenir compte de la “responsabilité historique” : tous les Etats partagent des responsabilités climatiques mais pas au même niveau. Les pays les plus industrialisés et les plus développés ont une responsabilité plus importante que les pays dits “des suds”. Aussi, notre responsabilité est encore plus grande si nous tenons compte des émissions liées aux occupations coloniales, en les attribuant aux pays colonisateurs et non aux Etats anciennement colonisés. 

A terme, nous souhaitons également que soit revu la base des pays contributeurs. En effet, l’objectif est de mieux prendre en compte les changements de rapports de force mondiaux en termes d’émissions qui ont considérablement évolués depuis les années 1990. Une diplomatie écologiste doit faire en sorte que la Chine et d’autres pays aux niveaux de développement économique similaires contribuent équitablement, au vu de leurs émissions récentes, à l’atténuation du changement climatique au niveau mondial.  

Autre levier pour plus de justice entre Etats, Les Écologistes appellent à inscrire la notion d’empreinte carbone dans les négociations climatiques en plus de celle d’émissions car cet indicateur masque l’effet de la délocalisation des pollutions. En effet, l’Accord de Paris prévoit que les Etats adoptent des contributions déterminées au niveau national en vue de réduire leurs émissions nationales sans intégrer les émissions dues aux importations, révélées par un indicateur tel que l’empreinte carbone. En tenir compte permettrait de responsabiliser les Etats importateurs et de pointer les dérives du modèle consumériste contemporain qui repose sur l’hyper-mondialisation marchande.  D’un point de vue stratégique, raisonner en empreinte climatique pourrait permettre de réduire la réticence des pays en développement à adopter des réglementations climatiques contraignantes et à accroître la charge de l’atténuation sur les pays du Nord global. 

En plus de ces enjeux, nous considérons que les COP sur le climat ont des implications plus vastes que la  question climatique. Elles peuvent avoir des conséquences très positives sur la résorption des inégalités, y compris de genre ou générationnelles et offrir un espace précieux pour protéger les lanceurs d’alerte. 

Enfin, il faut que les Etats parties à la CCNUCC investissent le volet adaptation au changement climatique. Les effets du changement climatique ne se font pas ressentir de la même façon dans un foyer bangladais, français ou mozambicain. De même, au sein d’un pays, les effets peuvent être différents d’une région à l’autre ou selon les secteurs d’activité : il faut en tenir compte lors des négociations à venir. 

Enfin une COP-jalon ? 

Pour la COP de Bakou, comme chaque année, Les Écologistes-EELV réitèrent leurs propositions d’évolutions juridiques qui sont innombrables et défendues de longue date. Nous voulons, par exemple, que des objectifs véritablement contraignants soient mis sur la table. A ce titre nous appelons l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à réviser les règles mondiales du commerce pour y inclure des critères environnementaux forts. Nous rappelons la nécessité de l’affirmation de systèmes alimentaires locaux et justes et nous réclamons la surveillance et un encadrement accru du marché des crédits et des compensations carbones ainsi que la protection des COP de tous conflits d’intérêts.

En conclusion, en dépit d’un contexte géopolitique particulièrement lourd, la prochaine COP peut et doit aboutir à des avancées marquantes et rapides alors que les événements météorologiques extrêmes ne cessent de se multiplier à travers le monde.