Contribution de la commission Énergie & Climat d’Europe Écologie – Les Verts et de la Députée écologiste Julie Laernoes à la consultation sur la SFEC

Retrouvez ci-dessous la contribution à la concertation sur la SFEC co-écrite par la commission énergie & climat d’EELV et la député Julie Laernoes.


Quand l’aveuglement nucléariste fait perdre de vue les enjeux climatiques et de transition de notre système énergétique

La Stratégie Française Énergie-Climat (SFEC) soumise à consultation occulte de trop nombreux enjeux cruciaux de la transition énergétique pour s’en satisfaire. Écologistes, nous  regrettons les multiples insuffisances d’un document qui mérite d’être largement complété par des mesures opérationnelles. Notre formation politique relève plusieurs points d’attention à éclaircir voire rectifier en prévision de l’examen du projet de loi de programmation énergie-climat et de la publication du décret renouvelant la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Des modalités de consultation qui interrogent

À titre liminaire, nous ne pouvons que regretter les délais extrêmement courts et les minces modalités de publicité qui sont donnés à cette consultation. Les décisions concernant la politique énergétique de la Nation, ainsi que leurs répercussions pour les décennies à venir, concernent pourtant, et en tout premier lieu, les citoyennes et les citoyens. Chaque Français·e doit pouvoir s’approprier, comprendre et partager la transition énergétique. Bref, être en mesure d’y prendre part. Par conséquent, les décisions doivent être prises de manière collective sur la base d’une démarche démocratique qui associe tous les citoyens. Or, en l’état actuel, cette consultation ne permet pas de répondre à cette exigence démocratique. L’absence de communication adressée au grand public et la durée d’un mois seulement pour contribuer à la consultation relative à ce document stratégique fourni (bien qu’incomplet), confirment une nouvelle fois que le Gouvernement n’a aucune volonté de sortir de l’opacité. La perpétuation d’un système centralisé et descendant qui règne historiquement en matière de choix de politique énergétique se confirme. D’ailleurs, une question  persiste : les contributions de cette consultation, qui, selon le Gouvernement, “seront prises en compte pour l’élaboration définitive de cette stratégie”, seront-elles rendues publiques ? 

Un titre de la future loi déclinant la SFEC à clarifier

Symptomatique de la marginalisation des questions de maîtrise de l’énergie, la SFEC évoque une loi sur la production d’énergie, et la ministre de la Transition énergétique, dans son audition récente à l’Assemblée nationale parle maintenant de loi de souveraineté énergétique,alors que l’article l’article L100-1 A du code de l’énergie prévoit qu’une loi “détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique” avant le 1er juillet de cette année. 2023 s’achève et où est le projet de loi du Gouvernement ? Car cette énigmatique loi de production ou de souveraineté énergétique ne satisfait pas le tout premier article du code de l’énergie. En effet, une politique énergétique nationale ne saurait se résumer à la production. Produire oui, mais pour quoi ? Et dans quelle perspective ? Si le projet du gouvernement se limite à cet aspect, passant complètement à côté de la réduction des consommations d’énergie, il traduira une déconnexion totale des enjeux de la transition qui implique une rupture profonde des modes de consommation pour répondre, au-delà de la question énergétique, à l’urgence écologique et climatique.

Climat : le grand oublié 

Ainsi, nous ne pouvions pas commenter cette contribution sans dénoncer le fait que cette stratégie française pour l’énergie et le climat fait totalement l’impasse sur le volet climat et se concentre exclusivement sur la partie énergie. Si la transformation de la production et de la consommation d’énergie est un impératif majeur pour réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, elle doit également s’appuyer sur une trajectoire climatique de référence, sous peine de pécher par manque d’ambition et de cohérence. 

Tous les leviers nécessaires au respect de l’Accord de Paris doivent être mobilisés pour s’aligner avec la trajectoire + 1.5 °C : transformation du modèle économique et social, réduction des impacts environnementaux de nos modes de vie, transition agro-écologique et de l’industrie, adaptation aux conséquences inévitables du réchauffement, protection, préservation et restauration de la biodiversité… Or, tous ces leviers manquent à l’appel ! Le gouvernement précise, dans sa démarche, qu’un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) sera prochainement présenté ainsi que la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB). Pourquoi toutes ces feuilles de routes sont-elles traitées de manière différée ? Quels sont les freins ? Ces enjeux sont pourtant intrinsèquement liés. À titre d’exemple, la protection de la biodiversité et la préservation des écosystèmes, la gestion soutenable et durable de la ressource biomasse et la transition agro-écologique sont des enjeux interreliés. Ce choix de traiter en silo les enjeux connexes au changement climatique illustre malheureusement bien les limites de l’ambition du Gouvernement en matière de transition climatique. Ce dernier a pourtant des cordes à son arc avec le Secrétariat général à la Planification Écologique (SGPE) qui fournit un travail de grande qualité avec une approche intégrée des enjeux de transition écologique. Il a choisi d’ignorer sa contribution au débat…

Sobriété, la matrice délaissée de la réduction des consommations

Le document prévoit une hypothèse de réduction de la consommation finale d’énergie substantielle (-30% dès 2030 et -44% en 2050) mais qui reste en deçà de l’objectif fixé par l’Union européenne et des cibles proposées par des travaux prospectifs s’appuyant explicitement sur la sobriété. S’agissant de la cible transitoire de 2030, le Gouvernement prévoit de passer de 1611 TWh aujourd’hui à 1371 TWh d’énergie consommée, alors que l’objectif européen s’établit lui à 1209 TWh. Et quand l’exécutif propose une projection à 900 TWh d’énergie consommée à horizon 2050, négaWatt prévoit 807 TWh et l’ADEME, avec son scénario Génération Frugale de Transition(s) 2050, anticipe 790 TWh. En outre, bien que l’objectif affiché soit revu à la hausse par rapport à la précédente PPE, aucun détail n’est fourni sur les trajectoires et les leviers de réduction de consommation secteur par secteur que le Gouvernement entend déployer pour atteindre cet objectif. 

Pour comprendre ce manque d’allant, il faut s’attarder sur la définition que donne la SFEC de la sobriété. Cette dernière est renvoyée à de simples “changements de comportement” (p.11) ou à “la lutte contre le gaspillage d’énergie” (p.18), passant complètement à côté de l’importance de modifier radicalement notre organisation collective. En effet, les modes de vie, loin de dépendre des seuls individus, sont grandement façonnés par les politiques publiques et la structure des activités économiques. Faire reposer la charge de la réduction des consommations sur les personnes est le meilleur moyen de susciter de la frustration chez nos concitoyen·ne·s. État, collectivités et secteur privé doivent faire leur part pour ne pas susciter de résistances prévisibles à une démarche de sobriété générale. Par exemple, inciter aux mobilités douces sans développer d’alternatives à l’autosolisme (fait de se déplacer seul·e avec sa voiture) par un urbanisme pensé à dessein, nous dirige tout droit vers une impasse politique. De même, encourager à consommer moins de viande tout en subventionnant l’élevage intensif est tout à fait incohérent (on notera, à ce propos, l’absence d’objectifs de baisse du cheptel, pourtant un levier pour améliorer, au-delà de la baisse des émissions attendue, les conditions de travail des agriculteur·rices et la qualité de la viande produite). De cette façon, les ménages ne doivent pas demeurer seuls à interroger la pertinence de nos habitudes de vie, c’est bien dans un mouvement collectif que les pouvoirs publics doivent s’inscrire. 

Second point d’attention, le rapport à la croissance. La SFEC évoque une “sobriété un temps assimilée à tort à la décroissance”. Il y a là un malentendu. Si la sobriété ne défend pas la décroissance en tant que telle, elle vient bien interroger la pertinence de la croissance comme matrice des politiques économiques. Sa proposition est fondamentalement transformatrice et ne se limite pas à se chauffer à 19°C ou à éco-conduire, loin de là. Elle s’inscrit dans la logique du doughnut de Kate Raworth, qui envisage un espace sûr et juste pour l’humanité. L’idée est relativement simple : fournir un plancher social où les besoins fondamentaux des humains sont satisfaits sans pour autant dépasser les limites planétaires. Par conséquent, la sobriété interroge bien la pertinence des indicateurs macroéconomiques focalisés sur la seule production de richesse mais ne la rejette pas pour autant : il ne faut pas casser le thermomètre mais en changer. Les nouveaux indicateurs de richesse, par exemple, permettent de saisir les déterminants du bien-vivre et devraient être les nouvelles jauges à surveiller plutôt qu’un PIB éculé. Rappelons ici que la loi Sas votée pourtant en 2015 n’a quasiment jamais été suivie d’effets. Elle oblige pourtant à une publication annuelle de nouveaux indicateurs.

Cette SFEC reflète donc une limite inhérente à l’action climatique du Gouvernement : sa matrice productiviste. Incapable de reconnaître les limites à la croissance, il s’enferre dans le confort intellectuel du techno-solutionnisme et ne réinterroge pas le modèle consumériste. Croire que les incitations adressées à un marché innovant par nature et auto-régulateur par essence suffiront est profondément naïf, si ce n’est irresponsable vu la gravité des enjeux. La transition énergétique ne saurait advenir par la concrétisation du mythe de la technique toute-puissante.

La “bagnole” ou l’incapacité du gouvernement à repenser la place de la voiture individuelle dans notre mobilité

Pour illustrer le point précédent, quoi de mieux que de s’intéresser au secteur des transports et, particulièrement, à la voiture. Les transports sont le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre en France (32% selon les données du SDES pour 2022) et le premier secteur de consommation d’énergie finale dans le pays (34% selon l’édition 2023 de la publication “Chiffres clés de l’énergie” du ministère de la Transition énergétique). La voiture est le mode de déplacement le plus contributeur à ce bilan. Pourtant, loin de prévoir un plan d’actions pour sortir de l’autosolisme, la SFEC n’émet que des propositions insuffisantes et clairement pas à la hauteur de l’enjeu. Aucune mesure pour revoir la place de la voiture individuelle dans la mobilité et transformer durablement nos modes de déplacements n’est proposée, que ce soit sur les transports collectifs, le covoiturage ou les mobilités actives. 

Cependant, des changements profonds dans les pratiques de mobilités sont indispensables pour espérer sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. L’électrification des véhicules individuels thermiques actuels, sur laquelle le document du gouvernement met exclusivement l’accent, ne peut constituer la seule et unique solution. Électrifier une partie du parc actuel est une bonne solution en matière de climat mais électrifier tout le parc sans mettre un coup de frein à l’augmentation de la taille et de la masse des véhicules est une impasse (cf la position d’EELV à propos de la voiture électrique). Pire, cela supposerait de s’arroger des ressources minières critiques au détriment d’autres Etats dans une compétition pour les ressources naturelles délétère, aux relents néocolonialistes. Par ailleurs, dans un contexte où les besoins en électricité sont de plus en plus importants, il faut pouvoir soulager le réseau électrique de SUV gourmands en kilowattheures (KWh). En ce sens, nous déplorons l’absence de révision des mécanismes fiscaux pour inciter encore davantage les constructeurs automobiles et leurs clients à aller vers des véhicules électriques plus sobres et légers. Du côté des alternatives à l’autosolisme, nous déplorons l’incapacité à faire peser sur les employeurs des exigences accrues en matière de mobilités  actives ou de covoiturage pour les déplacements domicile-travail, au-delà de l’incitation pécuniaire.

Enfin, que dire de l’avion, incarnation suprême de l’injustice climatique, comme le démontrent les études statistiques sur la répartition de l’usage de ce mode de déplacement par décile de revenu ? Nous n’épiloguerons pas et renverrons le lecteur vers les débats ayant eu lieu à l’Assemblée Nationale lors de l’examen de la proposition de loi du groupe parlementaire Écologiste visant à interdire les vols en jets privés sur le territoire national. EELV a d’ailleurs récemment acté officiellement son intention de faire diminuer le poids de ce secteur, notamment en nombre de vols, politique que le parti prévoit de mettre en place une fois aux responsabilités.

Efficacité énergétique : une vision réductrice et un manque criant de volonté politique

S’agissant de l’efficacité énergétique, l’absence de réelle réflexion du Gouvernement est particulièrement regrettable,  en témoignent les affirmations reprises page 8 et page 44  : “l’électrification est dans de nombreux cas d’usages synonyme de gains d’efficacité énergétique intrinsèques”. Cette vision est extrêmement réductrice. En effet, mettre un signal égal entre recherche d’une plus grande efficacité énergétique et électrification des usages est tout à fait périlleux. La massification des pompes à chaleur dans les logements et les bâtiments en est le parfait exemple. Sans isolation des bâtiments, ces dernières augmentent de manière conséquente les consommations d’électricité et de la pointe électrique, sans réduire suffisamment les émissions de gaz à effet de serre. 

La rénovation énergétique performante est donc une condition préalable à la décarbonation du secteur du bâtiment, qui représente à lui seul plus de 18% de nos émissions directes de gaz à effet de serre. Or, là encore, les mesures concrètes brillent par leur absence dans le document . On retrouve la rénovation énergétique seulement sous le volet des “mesures préventives”, censées préserver le pouvoir d’achat et promouvoir la justice sociale. La rénovation est pourtant loin de n’être qu’une mesure préventive : elle doit devenir la pierre angulaire d’une transition énergétique fondée sur les piliers que sont la sobriété et de l’efficacité énergétique. De plus, la programmation pluriannuelle des investissements n’est toujours pas retenue alors que, de l’avis des acteurs du secteur et de tous les travaux parlementaires menées, en particulier la récente mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments co-rapportée par notre députée Julie Laernoes, elle est indispensable pour donner un horizon clarifié et précis pour les particuliers porteurs de projets de rénovation, mais aussi pour toute la filière du bâtiment et de la rénovation, de sorte à ce qu’elle puisse enfin se structurer afin de massifier les rénovations globales et performantes. Plus préoccupant, l’ambition est revue à la baisse par rapport à nos objectifs actuels. En effet, le Gouvernement fixe dans cette nouvelle stratégie l’objectif de 200 000 rénovations “d’ampleur” dès 2024. D’une part, la rénovation énergétique “d’ampleur”, nouvelle définition introduite par le Gouvernement, dans le cadre de la réforme de l’aide Ma Prime Rénov’, et conditionnée à l’étude de 2 postes travaux minimum, est clairement moins ambitieuse que la rénovation énergétique “performante” consacré dans le code de l’énergie, après l’adoption de la loi Climat et Résilience de 2018, qui est conditionnée elle, à l’étude de 6 postes travaux. Et d’autre part, au-delà de la sémantique, ce rythme est clairement en deçà de celui de la SNBC adoptée en 2020, qui prévoyait un rythme annuel de 370 000 rénovations performantes, jusqu’en 2030. En outre, sur cet objectif revu à la baisse dans la SFEC, aucun niveau de performance visé des bâtiments, ni les niveaux de consommation à atteindre ne sont précisés.

Derrière la fée électricité, l’atome

C’est un des principaux reproches à adresser à la SFEC présentée par le Gouvernement : elle se concentre démesurément sur la production d’électricité en ce qu’elle est taillée sur mesure pour la filière nucléaire. L’exécutif semble envisager les centrales électronucléaires comme seules à même de redresser la trajectoire climatique du pays. Pour rappel, en 2022, la production d’électricité nucléaire ne représentait que l’équivalent de 17 % de la consommation finale d’énergie française. Pourquoi faire d’une source de production d’électricité parmi d’autres, vecteur énergétique parmi d’autres, un sujet aussi central dans une SFEC censée s’occuper à égalité des trois composantes de la transition énergétique (sobriété, efficacité, renouvelables) ? 

Le document fait explicitement du nucléaire un des quatre “piliers” de la SFEC et, on le comprend vite, ce penchant assumé pour l’atome entraîne quelques tours de passe-passe intellectuels. Il faut bien rappeler, par exemple, que bien que décarboné, le nucléaire n’est en rien une source “d’indépendance énergétique” comme le vante le document. Si tant est qu’il faille le rappeler : le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable, produit des déchets radioactifs extrêmement dangereux, coûte extrêmement cher à produire et est très vulnérable dans un climat dégradé. Quant au combustible pour faire fonctionner nos réacteurs, celui-ci doit être entièrement importé, et majoritairement depuis des régimes autocratiques.

Conséquence de cette fascination prométhéenne pour la fission nucléaire, le document clame que “la nouvelle stratégie énergétique française repose sur des fondements scientifiques et techniques, en particulier le rapport « Futurs Énergétiques 2050 » des experts de RTE”. Il oublie trop rapidement que l’électricité ne représente qu’un quart de la consommation d’énergie finale du pays et que l’ADEME, établissement public reconnu, a produit un scénario Transition(s) 2050 sans nucléaire. 

Évidemment, tous les scénarios prospectifs en matière d’énergie et de climat prévoient une électrification des usages. Pour autant, ceux qui incluent une part substantielle de sobriété (négaWatt et Génération Frugale de Transitions(s) 2050) ne prévoient pas une hausse de la consommation électrique telle que celle prévue par la SFEC, à savoir +10% en 2030 et +55% en 2050. Comment ne pas voir ce chiffrage comme un prétexte pour fournir des débouchés, donc de la rentabilité, à une filière nucléaire hypertrophiée ? 

Loin de la flexibilité décentralisatrice permise par les énergies renouvelables, l’atome nous éloigne de la voie de la sobriété. Symptomatique est ce passage page 44 : “Un niveau de production excédant 640 TWh permettra à la France soit d’exporter davantage d’électricité, soit d’accélérer la décarbonation de certains usages.” Plutôt que de se concentrer sur une estimation fine des besoins du pays et d’estimer correctement la production énergétique nécessaire pour les couvrir, le Gouvernement continue les erreurs du passé et assume de produire de l’électricité à ne plus savoir qu’en faire !

Des objectifs nucléaires présomptueux sans garanties techniques et de sûreté 

Au-delà de l’enjeu en termes de sobriété, les chiffrages prévus pour le nucléaire posent la question de leur faisabilité technique. Le document soumis à consultation prévoit un objectif de production de 400 TWh annuels d’ici à 2030, soit un taux de disponibilité de 75%, très optimiste, revu à 360 TWh, dans le scénario central, soit une hausse de 80 TWh par rapport à 2022. Car, rappelons qu’en 2022, la production d’électricité nucléaire s’est établie à 279 TWh, le niveau de production de la filière le plus faible depuis 1988. Face à des réacteurs de plus en plus vieillissants et aux déboires techniques qui se multiplient, et devant les incertitudes, notamment climatiques, qui les entourent, il apparaît extrêmement déraisonnable de miser sur cette seule trajectoire en matière de production énergétique “décarbonée” pour atteindre la neutralité carbone en 2050. L’enjeu de l’adaptation des centrales au réchauffement climatique, et en particulier de l’approvisionnement en eau des centrales, est en particulier un enjeu insuffisamment traité par la SFEC. Quant aux nouveaux réacteurs EPR 2, les délais de déploiement affichés et les coûts annoncés sont objectivement fantaisistes. Les projets de Flamanville ou d’Hinkley Point en Angleterre, entre autres, sont la principale démonstration que cette technologie est hors sujet pour tenir notre trajectoire énergie-climat. En outre, rien ne garantit que ces nouveaux réacteurs permettront de produire de l’électricité supplémentaire. En effet, devant la vétusté des réacteurs existants, ils pourraient fort bien se substituer à eux plutôt que s’y ajouter. 

Ce qui interpelle les écologistes, c’est aussi le maintien en exploitation des réacteurs existants après plus de 50 ans. Un pari extrêmement risqué, que le Gouvernement semble avoir d’ores et déjà acté, sans même l’aval des autorités compétentes en la matière. Et si l’on en croit cette SFEC, pour tenir les niveaux de production prévus à 2050, la durée de vie de certains des anciens réacteurs pourrait même culminer à plus de 80 ans. Quelles garanties de sûreté apporte le Gouvernement à cette anticipation ? Il y a de quoi s’inquiéter alors que le projet de loi de réforme de la sûreté nucléaire fusionnant l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) doit arriver au Parlement au premier semestre 2024. 

Sur les déchets maintenant, toujours en se justifiant par une démarche de “souveraineté et de sécurité d’approvisionnement”, la SFEC annonce que “les installations de l’aval du cycle seront renforcées” mais ne fournit aucun détail sur la nature des renforcements. Le Gouvernement prévoit-il de construire de nouvelles piscines d’entreposage face à la forte augmentation de combustibles usagés que va entraîner la prolongation du parc de réacteurs existant, ainsi que ceux qui seront générés par l’éventuelle mise en service des réacteurs EPR supplémentaires ?! Espérons que la représentation nationale soit éclairée à ce sujet car, d’une part, à La Hague, les piscines sont très bientôt pleines ; et d’autre part, le projet Cigéo, comportant de multiples failles, est une très mauvaise option. 

Enfin, comment ne pas mentionner l’entêtement du Gouvernement à lancer “au moins” un prototype de petit réacteur innovant (SMR) en 2030. Tout cela alors même que le projet de SMR étasunien le plus avancé porté par la société NuScale a perdu, à cause de la hausse des coûts, son plus gros contrat avec l’Utah Associated Municipal Power Systems courant novembre 2023 rendant sa viabilité financière à long terme plus que délicate.

La SFEC se gargarise du combat pour la neutralité technologique et la reconnaissance du nucléaire comme une énergie de transition. Cette technologie du siècle passé est pourtant trop lente à déployer pour faire face à l’urgence climatique. Elle comporte trop d’externalités négatives, à tel point qu’aucun industriel ne sait gérer efficacement, à date, l’ensemble du cycle de vie d’un réacteur électronucléaire dans le respect du principe pollueur-payeur. D’ailleurs, les risques pour la santé publique se sont manifestés récemment avec la révélation, par le Guardian, de fuites de liquide radioactif du site de Sellafield, dont les failles représentent une menace pour toute l’Europe. En clair, développer les filières industrielles de la transition suppose de développer les renouvelables et rien qu’eux, loin des fausses promesses de la Société Française d’Energie Nucléaire (SFEN).

Pour sortir des fossiles, suivre la voie tracée par les écologistes

La SFEC acte, de manière salutaire, notre dépendance aux fossiles (60% de la consommation finale). Elle prévoit une sortie définitive du charbon en 2027. Rappelons pourtant que la fermeture des dernières centrales à charbon était prévue en 2022 par le Président de la République, qui n’a donc pas tenu sa promesse en ré ouvrant des sites pourtant à l’arrêt comme à Saint-Avold (Moselle). Pire, il a aussi laissé les pétroliers se saisir des exceptions prévues par la loi de 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, dévoyant l’esprit du texte. Des forages ont ainsi été ajoutés, à l’automne 2023, à une concession existante dans une forêt du bassin d’Arcachon, ce que permet malheureusement la loi.

Le pays aurait tout à gagner à ce que l’autre grande promesse de la SFEC, la sortie complète des fossiles en 2050, soit effectivement mise en œuvre. Se sevrer des fossiles impose de réduire progressivement les doses, côté consommateur mais aussi côté vendeur. Or, rien n’est prévu pour s’attaquer à celui qui permet au dealer de prospérer : le système financier. Les recettes existent pourtant : encadrer de plus en plus sévèrement, comme les écologistes le prévoient dans leur proposition de loi destinée à sortir des fossiles, les méthodes de financement des projets fossiles des géants pétroliers afin de tarir la source de notre drogue collective. Cette SFEC manque donc une cible en refusant de désigner un des principaux contributeurs au péril climatique.

Une montée en puissance des renouvelables louable mais qui reste insuffisante et doit être confirmée en pratique

Les objectifs de production d’énergies renouvelables affichés dans le document SFEC reposent sur une hausse du rythme de déploiement qu’il convient de saluer. Néanmoins, une valeur chiffrée indispensable fait défaut dans la SFEC : la part des renouvelables dans la consommation énergétique finale. L’Union européenne et ses États membres se fixent pourtant conjointement des objectifs à atteindre en la matière. Pour 2020, la France fut la seule à ne pas atteindre sa cible de 23% et, trois ans plus tard, elle n’a toujours pas réussi à combler son retard. Face à l’incapacité de notre pays à respecter les objectifs figurant dans la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED), le Gouvernement est logiquement menacé de sanctions. Mais, au lieu de rectifier la trajectoire et s’atteler à accomplir ses objectifs, l’exécutif a préféré… ne plus en avoir ! En effet, la SFEC ne contient aucune mise à jour de l’objectif chiffré de consommation d’énergie renouvelable pour la fin de la décennie, malgré le rehaussement de l’ambition européenne comprise dans la mise à jour de la directive RED, datée d’octobre 2023. Cette dernière prévoit que les Etats-membres doivent dorénavant atteindre collectivement une part de 42,5 % de renouvelable dans la consommation finale d’énergie d’ici à 2030. Heureusement, pour aider à l’information du public français, nous pouvons compter sur la Commission européenne qui a calculé que Paris se trouvait à 33% d’énergies renouvelables dans la consommation finale alors qu’un objectif cohérent avec la législation européenne devrait être de 44%. Bruxelles juge que nous sommes “significativement en dessous” de l’objectif européen en matière de renouvelables. Il est impératif que la France se dote d’objectifs clairs en matière d’énergies renouvelables dans les dix ans à venir sans quoi le pays s’éloignerait définitivement d’une trajectoire énergétique et climatique sérieuse.

Le constat est patent lorsque l’on décline l’analyse par filière. Par exemple, sur les énergies renouvelables électriques, si l’ambition sur le photovoltaïque est forte (93 TWh en 2035 contre 88,2 TWh pour négaWatt), celle sur l’éolien, surtout terrestre, est trop timide. Il faudrait ajouter 21,5 TWh de production supplémentaire pour atteindre le total, résolument sobre, prévu par négaWatt pour 2035 (171,5 TWh). Alors qu’un “mur énergétique nous attend en 2030”, comme l’a rappelé la Ministre de la Transition énergétique, qu’est-ce qui justifie de conserver le rythme actuel de développement éolien, alors qu’il représente un gisement très conséquent d’électricité renouvelable en France et des perspectives d’emplois et de développement des territoires forts ? Les écologistes sont prêts à assumer une accélération du rythme, seule à même de permettre l’atteinte d’un mix 100% renouvelables en 2050. Au-delà de la question des objectifs affichés, nous sommes en droit de nous demander quelle méthode le Gouvernement compte employer pour sécuriser l’indispensable mise en service de 18 GW d’éolien offshore d’ici 2035 alors que de multiples appels d’offres sont rendus infructueux partout à travers le monde. En outre, ce document manque un élément essentiel à ce propos : la consolidation de la filière éolienne à l’échelle nationale et européenne pour renforcer notre industrie, sécuriser l’ensemble de la chaîne de fabrication et d’approvisionnement en matériaux, de préférence en Europe et en France, et nous prévenir d’une nouvelle forme de “dépendance” technologique et énergétique vis-à-vis des pays d’Asie-Pacifique. 

S’agissant du photovoltaïque, comme évoqué précédemment, l’accélération notable du rythme annuel de développement de nouvelles capacités est à saluer. En effet, alors que le gouvernement refusait jusqu’à aujourd’hui toutes nos propositions  à l’Assemblée nationale pour accélérer le développement du solaire, en particulier pour renforcer l’incitation à l’autoconsommation et à la solarisation du bâti (seuils d’installation obligatoire trop hauts, sanctions trop peu sévères), ce revirement constitue une très bonne nouvelle ! Néanmoins, nous alertons sur l’absence d’une stratégie détaillée avec répartition par type d’installation (parcs au sol, ombrières, toitures…) comme le propose la motion photovoltaïque, adoptée par notre parti au mois de juillet 2023. Cette planification nous semble seule à même de parvenir à un développement équilibré, minimisant les conflits d’usage et favorisant les espaces déjà artificialisés. Des éclaircissements sont particulièrement attendus sur ce point, dans un contexte où les communes rencontrent des difficultés pour identifier les zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables, comme le prévoit la loi APER du 10 mars 2023. Nous regrettons que la maille intercommunale ne soit pas à la manœuvre pour la définition de ces zones et que les services de l’Etat ne soient pas dotés de moyens suffisants pour assurer l’accompagnement des collectivités.

S’agissant des énergies renouvelables thermiques, jusqu’ici grande oubliée de la transition énergétique, nous nous félicitons que le gouvernement ait enfin pris conscience du potentiel immense de la chaleur renouvelable. La SFEC propose l’objectif de 41% du mix énergétique 2050 composé de chaleur grâce à un doublement de la production de chaleur bas carbone d’ici 2035 et grâce au triplement des réseaux de chaleur et de froid. À ce titre, le quadruplement de la géothermie est un défi, de même que le doublement du biogaz. Ces chiffres sont extrêmement volontaristes. Néanmoins, le refus récent du gouvernement de reprendre, dans le budget 2024, les propositions de notre députée Julie Laernoes pour réhausser le budget du Fonds chaleur afin de répondre aux besoins de financement de la totalité des projets de chaleur renouvelable et de récupération (EnR&R), est incompréhensible et nous fait douter de la volonté réelle du Gouvernement d’agir et traduire ses ambitions en actes. Le déséquilibre entre le nombre de pages de la SFEC consacrées à l’électricité et à la chaleur est d’ailleurs symptomatique d’un déséquilibre français chronique en la matière. Les écologistes ne sauraient être dupes des beaux objectifs affichés pour la chaleur et demeureront ainsi vigilants.

S’agissant de la biomasse, dont la disponibilité va s’avérer critique d’ici 2030-2035, les écologistes défendent évidemment le principe de hiérarchisation des usages. Réussir la transition énergétique et écologique implique de donner priorité absolue à l’alimentation, à la protection de l’environnement et aux puits de carbone. Mais ce principe reste bien trop généraliste dans la SFEC qui mentionnent des “usages à développer raisonnablement et sous conditions”, trop imprécis. Les travaux complémentaires visant à actualiser les objectifs chiffrés en matière de biomasse, mentionnés page 25 sont donc très attendus par les écologistes. Au-delà de la détermination de l’ordre de priorité dans l’exploitation des ressources biomasses et des usages, ce qui manque là encore, c’est une démarche de modération dans l’utilisation et la consommation des ressources. Assurément, résoudre le problème de bouclage de la biomasse à horizon 2030-3035 et prévenir les conflits d’usage impliquent d’articuler l’enjeu de la sobriété et celui de la hiérarchisation des usages. Des efforts de réduction importants sont notamment attendus dans l’agriculture conventionnelle, en particulier dans la filière animale, qui constitue le volume le plus important de la biomasse agricole. C’est d’ailleurs une des recommandations du CESE, dans un avis présenté le 24 mai 2024. Or, à aucun moment, le gouvernement ne réinterroge notre modèle de politique agricole et alimentaire dans la SFEC. Cette sobriété, qui doit également s’appliquer dans l’usage des terres, implique de poursuivre les objectifs de Zéro Artificialisation Nette. À ce titre, les écologistes alerte sur un possible retour en arrière, un renoncement dans cette politique, qui serait absolument délétère. 
Les usages de la biomasse pour la production d’électricité sont également à réduire en priorité pour être dédiés à la production de chaleur. Or le Gouvernement cultive l’ambiguïté sur ce sujet. En effet, d’un côté, la SFEC précise, page 89, que l’utilisation de la biomasse pour la production d’électricité est “à modérer”, mais de l’autre, le gouvernement continue de défendre les projets de reconversion des centrales à charbon existantes en centrales à biomasse, tels que le projet Eco Combust à Cordemais, en Loire-Atlantique. Ces projets constituent pourtant clairement une menace pour nos ressources en biomasse, tant ils nécessitent du bois en très grande quantité et impliquent par ricochet la destruction de nos forêts, déjà en train mauvais état, et pourtant indispensable pour le stockage du carbone. Il convient d’ailleurs de noter que dans le rapport « Futurs Énergétiques 2050 », sur lequel le gouvernement prétend s’appuyer pour construire sa stratégie,  les experts de RTE évoquent des “incertitudes” sur ces projets de conversion, notamment dues à une “tension sur le gisement de biomasse”.

Une incapacité à concevoir des mesures socialement justes dans la fixation du prix de l’énergie

Depuis la crise de 2022, le prix de l’électricité est devenu synonyme de volatilité avec des hausses astronomiques des prix, qui se sont progressivement atténuées. Passée la tempête, quels enseignements ont été tirés ? Si la SFEC mentionne au détour d’une phrase des objectifs de justice sociale, les mesures égrenées manquent cruellement d’ambition. La vision de la justice sociale portée par les écologistes est résolument différente de celle portée par le Gouvernement. Il nous paraît inconcevable de se borner à des mesures d’information du consommateur ou à des bouclier tarifaires mal conçus car indiscriminés. Au contraire, il faut s’éloigner de la loi absolue du marché, et ne pas faire primer systématiquement la concurrence par rapport au pouvoir d’achat des français·e·s. Bref, concevoir des dispositifs de régulation équitables. Malheureusement, la SFEC transparaît une volonté de préserver le statu quo du marché de l’électricité, et de n’en corriger qu’à la marge les dysfonctionnements. C’est bien une refonte structurelle du cadre qui est nécessaire.

Ainsi, on peut déplorer que cette SFEC porte un manque flagrant d’attention à la prise en compte de l’impératif de justice sociale dans les mécanismes tels que le bouclier tarifaire ou le post-Arenh. Le bouclier tarifaire du Gouvernement est profondément déficient en ce qu’il subventionne tous les consommateurs de manière indifférenciée. En subventionnant autant les besoins vitaux des plus modestes que l’énergie superflue consommée par les plus riches, il n’encourage pas la sobriété, et continue de financer les énergies fossiles pour tous : rappelons que les 10% les plus riches consomment 20 fois plus d’énergie que les 10% les plus pauvres. Les écologistes prônent au contraire un bouclier tarifaire fléché vers les ménages les plus modestes. 

Concernant la future régulation du nucléaire, dont les contours ont été esquissés le 14 novembre 2023, il est nécessaire de concevoir un mécanisme de redistribution des revenus nucléaires d’EDF qui prenne en compte les situations particulières des ménages, notamment en termes de revenu disponible. Tout comme nous nous sommes élevés contre le mode de calcul du bouclier tarifaire depuis sa mise en place, nous craignons que le mécanisme de redistribution annoncé par le Gouvernement ne redistribue de manière indifférenciée entre un ménage modeste et un gros consommateur d’énergie.

Enfin, il est absolument aberrant que soit inclus dans le prix annoncé du nucléaire la “part du préfinancement de l’avenir de notre mix”, car cette phrase signifie en sous-texte “financement du futur parc nucléaire”. Au regard des coûts incertains du nucléaire, et de l’absence criante de débat démocratique autour de sa relance, il paraît presque indécent que les clients d’EDF soient indistinctement appelés à financer les investissements dans un futur parc nucléaire tout en comblant la dette d’EDF.

Hydrogène et capture de carbone, des inconnues persistantes 

La SFEC prévoit que la puissance installée de la filière hydrogène passe de 0 à 10 GW d’ici 2035. La grande inconnue demeure la source de cet hydrogène bas-carbone : nucléaire ou renouvelable ? Le document soumis à consultation ne fournit pas de détails. Nous espérons que la réflexion sur le développement des réseaux de nouveaux fluides, indispensables à la transformation de notre industrie lourde, annoncée page 13, apportera des éclairages que ce soit sur la hiérarchisation des usages de l’hydrogène ou des industries destinées à réaliser de la capture et du stockage de carbone. 

Un passage, page 9, soulève tout de même notre inquiétude : “[le scénario] prévoit une réduction de la dépendance à l’égard des sources d’énergies non électriques tout en intégrant une part d’importations européennes, voire extra-européennes (bio liquides, hydrogène, etc.).” On peut aisément faire des conjectures alarmistes : importation massive de biocarburants brésiliens reposant sur la déforestation, transfert d’hydrogène via des pipelines à risque de fuites… Sans priorisation des usages des nouveaux vecteurs énergétiques, les inquiétudes demeureront. L’exécutif se doit de présenter une stratégie détaillée, notamment dans les zones non interconnectées au réseau électrique hexagonal où le passage vers la biomasse liquide pose la question de l’autonomie des territoires. 

Concernant la capture du carbone et son stockage ou son utilisation, la SFEC ne s’attarde pas dessus alors même que les velléités du gouvernement en la matière se précisent en coulisses. Pour s’en rendre compte il suffit d’aller consulter la stratégie développée et mise en concertation cet été, concertation étrangement ouverte uniquement aux professionnels et dont nous avions dénoncé cet état de fait. S’il est bien annoncé que la capture du carbone sera utilisée en dernier recours, on est en droit de douter que le techno-solutionnisme du gouvernement ne finisse par emporter ces belles paroles. 

Sécurité d’approvisionnement : merci l’Europe !

Concernant le réseau électrique, la SFEC rappelle l’importance du cadre européen qui a permis à la France de ne pas connaître de blackout à l’hiver 2022-2023, mais évite soigneusement de rappeler que c’est en raison de l’indisponibilité de près de la moitié du parc de réacteurs nucléaires que la France a frôlé la coupure. À ce titre, l’interconnexion aux réseaux des autres pays européens et la solidarité européenne qui en découle est absolument indispensable, notamment dans la perspective de l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix. Pour autant, les négociations sur les directives européennes ne sauraient être le support d’une croisade pro-nucléaire comme ce fut le cas au printemps 2023 avec le blocage par Paris d’une directive sur les renouvelables. 

Au contraire, l’arène européenne devrait permettre d’anticiper les enjeux des réseaux de demain. La SFEC évoque ainsi l’implication des consommateurs résidentiels via le vehicle-to-grid, technique à laquelle EELV souscrit. Enfin, la question des nouveaux modèles tarifaires se pose, certes, mais doit être examinée avec pour boussole la justice sociale et non la seule logique de flexibilité.

Concernant le gaz, nous partageons le constat d’une évolution “en profondeur” des réseaux gaziers avec une probable “décroissance des volumes livrés” mais appelons à la vigilance quant au “déploiement de nouvelles infrastructures pour les fluides de la transition tels que l’hydrogène et le dioxyde de carbone” qui doivent respecter une hiérarchisation stricte des usages. En revanche, nous rappelons notre vive opposition aux créations de terminaux méthaniers tels que celui lancé à la hâte au large de la Ville du Havre grâce à la loi sur le pouvoir d’achat du 16 août 2022. Contrairement à ce qu’affirme la SFEC, les renforcements des capacités d’importation et de stockage n’ont pas “été menés de manière raisonnée et réversible afin d’éviter d’investir dans des infrastructures qui seront moins utiles à moyen terme”. C’est tout le contraire : rentabiliser le terminal suppose de continuer à importer du GNL américain reposant sur la fracturation hydraulique pour rentabiliser l’investissement, alors même que nous avons suffisamment de stocks à ce jour.

Notre position est claire : oui à l’accroissement de la sécurité d’approvisionnement par le stockage et par la solidarité gazière avec les Etats membres de l’Union européenne, non aux terminaux méthaniers au large des côtes françaises et à un usage du gaz accru.

Conclusion : le Gouvernement doit revoir sa copie

En conclusion, cette stratégie française énergie climat, telle que présentée, ne constitue en rien une véritable stratégie climatique intégrée, qui devrait décliner de manière cohérente l’ensemble des leviers pour atteindre la neutralité carbone en 2050, adapter la société aux conséquences du réchauffement climatique et limiter la hausse des températures, tel que le prévoit l’Accord de Paris. 

Par ailleurs, et même si ce document ne représente donc globalement que le volet énergétique d’une stratégie qui se doit d’être plus large, nous tenons à saluer certains avancées, tels que la prise de conscience de la nécessité absolue de sortir rapidement des énergies fossiles et d’accélérer le développement des énergies renouvelables, en particulier l’électricité issue du photovoltaïque et la chaleur. Cette timide progression ne saurait occulter l’absence flagrante d’objectifs de renouvelables dans la consommation énergétique finale à 2030, comme l’exige pourtant le droit européen.

De plus, nombre d’ambitions restent encore trop timides, comme sur la réduction de la consommation, avec un objectif certes rehaussé, mais qui n’est pas aligné avec l’objectif fixé au niveau européen ; ou encore sur la transition énergétique de la mobilité, pour laquelle la vision du gouvernement reste enfermée dans la dépendance à la voiture individuelle. De plus, des errements subsistent encore, voire s’accentuent, notamment sur le nucléaire sur lequel le Gouvernement fait tapis. Enfin, des incertitudes demeurent, en particulier sur les moyens et la méthodologie que le Gouvernement entend adopter pour mettre en œuvre ses propositions, entre autres sur la rénovation énergétique ou la planification des énergies renouvelables. 

Nous appelons ainsi vivement le Gouvernement à revoir sa copie, comme le demande l’Union européenne, sans quoi nous ne pourrons réellement tracer le chemin d’une  transition écologique indispensable pour relever les défis énergétique et climatique.