
Retrouvez ci-dessous la contribution conjointe des deux commissions déposée à la consultation.
La Commission Énergie-Climat et la commission Biodiversité et Nature d’Europe Écologie-Les Verts émettent un avis rigoureusement défavorable aux projets de décrets ici soumis à consultation.
Ces derniers visent à définir les critères permettant à des projets de production d’énergie renouvelable ou nucléaire de se voir reconnaître automatiquement la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), une des trois conditions à remplir pour obtenir une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, prévue à l’article L411-2 du Code de l’environnement.
Tout d’abord, comme les parlementaires écologistes ont pu l’exprimer lors de l’examen des textes législatifs introduisant l’automaticité de la reconnaissance de la RIIPM pour les renouvelables ou le nucléaire, il convient de rappeler que toute nouvelle dérogation au droit de l’environnement est un recul pour la protection de la biodiversité, quand bien même elle serait faite au nom de la transition énergétique. Les décrets d’application des lois dites d’accélération de la production énergétique auraient pu être l’occasion d’encadrer correctement le nouveau dispositif : il n’en est rien. Le décret vient créer des conditions supplémentaires de dégradation des espaces de biodiversité, à rebours des engagements de Montréal et d’une transition écologique cohérente.
Nous ne traiterons pas ici du cadre applicable à l’énergie nucléaire, estimant illégitime la reconnaissance même de la RIIPM aux nouveaux réacteurs électronucléaires. Ces derniers représentent bien un désintérêt public majeur en raison de leur coût et de leurs délais de construction, incompatibles avec l’urgence climatique, mais aussi en raison de l’impossibilité de produire des garanties en matière de gestion des déchets radioactifs et de sûreté nucléaire ; par ailleurs, la gestion du cycle du combustible rend redevable notre pays à l’égard de régimes autoritaires et belliqueux tels que la Fédération de Russie.
Pour ce qui est de la reconnaissance de la RIIPM pour les filières renouvelables, seules à même d’assurer une transition énergétique efficace, juste et bénéfique à l’ensemble des écosystèmes, les conditions de son obtention sont profondément inéquitables.
Si les deux décrets prévoient une condition légitime, à savoir la non-atteinte des objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), la seconde est tout à fait injustifiée. En effet, en fixant des seuils planchers de puissance installée se situant dans la moyenne de chaque filière, le Gouvernement entend explicitement favoriser l’obtention des autorisations administratives pour les seuls grands projets.
Pour quelles raisons un grand projet énergétique renouvelable serait-il plus à même de répondre à l’intérêt public majeur des Européennes et des Européens qu’un plus petit ? Cinq éoliennes en bloc répondraient à un intérêt public majeur quand une ou deux ne seraient pas dignes d’intérêt ? Cette mesure ne peut que renforcer la défiance à l’égard des grands parcs.
Surtout, les entreprises à même de réaliser des projets de grande ampleur bénéficient déjà des avantages qu’elles tirent de leur taille importante, notamment en termes d’expertise en écologie scientifique et en droit de l’environnement. Elles sont capables de se conformer à des procédures administratives exigeantes. Leur donner un avantage compétitif nouveau n’aura pour seule conséquence que de rendre plus incertain l’aboutissement de projets territoriaux exemplaires, mais bénéficiant de moins de moyens humains et financiers, et en particulier les projets citoyens qui sont déjà confrontés aux hausses de coûts des matériaux.
Ces décrets font le choix de donner la prime à la massification, en dehors de toute considération pour les objectifs portés par l’Union Européenne qui défend notamment l’essor des communautés d’énergie renouvelables, organisations qui seraient indéniablement fragilisées si les décrets n’étaient pas modifiés. La rédaction proposée est tout bonnement incompréhensible au regard de l’impératif de rendre les projets d’énergie renouvelable désirables pour mieux impliquer les citoyen·nes et protéger l’environnement de manière effective.