Contribution de EELV Nord Pas de Calais à la concertation autour du projet « Cap Décarbonation »

Du 22 mai au 21 juillet 2023, une concertation préalable est organisée sur Cap décarbonation. Air Liquide France Industrie, Dunkerque LNG, EQIOM, Lhoist et RTE sont engagés dans une démarche conjointe de décarbonation de l’industrie, au travers de trois projets. La Phase 2 du Programme K6 et le projet CalCC prévoient le captage du dioxyde de carbone émis par la production du ciment à Lumbres et de la chaux à Réty. Le projet D’Artagnan consiste à transporter par canalisations ce CO2 jusqu’à Dunkerque, puis à le charger dans des navires en direction de sites de séquestration en Mer du Nord.

Retrouvez ci-dessous la contribution de EELV NPDC à la concertation


Nous saluons le fait que les industriels porteurs de trois projets qui constituent l’ensemble “Cap Décarbonation” envisagent des investissements importants pour décarboner leurs activités. Nous nous félicitons également que la CNDP ait fait en sorte que les projets aient été portés à la connaissance du public dans le cadre d’une consultation préalable commune, mettant en évidence les liens entre le Programme K6 Phase 2 sur le site de production de ciment Eqiom de Lumbres, le Projet CalCC sur le site de production de chaux LHOIST de Réty, et le Projet D’Artagnan de réseau de transport du CO2 depuis ces sites vers le Port de Dunkerque, puis un site de stockage en Mer du Nord.

EELV tient d’abord à rappeler l’impératif de sobriété auquel nous sommes tenus pour lutter contre le dérèglement climatique et la perte de biodiversité qui menacent l’ensemble de l’humanité. Cet impératif nous impose d’envisager les projets Cap Décarbonation à l’aune de la nécessaire réduction de la production de matériaux comme le ciment et la chaux en France et en Europe.

Les émissions des sites de production de ciment et de chaux pourraient cependant déjà être diminuées grâce à l’utilisation du biogaz, de la biomasse, ou d’un combustible solide de récupération comme source d’énergie. Malgré tout, diminuer n’est pas éliminer et le processus de transformation continuera donc bien d’émettre du CO2 sur site.

Nous reconnaissons donc la nécessité d’innover en matière de captage et de stockage du carbone, en particulier pour les industries comme la production de ciment et de chaux dont le processus de production même émet du CO2 et pour lesquelles il n’existe pas a ce jour d’alternative pour éliminer les émissions sur site.

Nous appelons de nos vœux une vision plus cohérente de la décarbonation de l’industrie à l’échelle nationale et encourageons les porteurs de projet à initier un dialogue avec l’Etat sur trois questions clés de politique industrielle qui pourraient les amener à revoir les projets en cours de développement dans le Nord Pas de Calais:

  • L’impératif de sobriété : Pour atteindre ses objectifs climatiques, la France devra réduire sa consommation de matériaux, en particulier de matériaux dont la production émet de grandes quantités de gaz à effet de serre comme la chaux et de ciment, et développer les matériaux biosourcés. L’objectif de zéro artificialisation nette des sols acté par la loi devrait aussi nous engager à repenser le modèle de la construction en France en privilégiant la rénovation à la construction neuve. Dans ce cadre, ne devrait-on pas anticiper une réduction de la demande de chaux et de ciment en France?
  • La stratégie de captage et de stockage du carbone : La priorité en matière de lutte contre le changement climatique est de remplacer l’usage des énergies fossiles par celui des énergies renouvelables dans tous les secteurs – production électrique, bâtiment, transport et industrie. Dans ce cadre, le captage et le stockage du carbone doivent être envisagés en dernier recours, pour les activités industrielles comme la production de chaux et de ciment pour lesquels il n’existe pas d’alternative. Ces activités sont aujourd’hui distribuées sur le territoire national. Si chacun de ces sites vient à requérir une infrastructure de transport du carbone par canalisations souterraines, la construction d’un tel réseau sera très coûteux et aura un impact sur de nombreuses terres agricoles traversées par ces canalisations. Elle impactera également la biodiversité à l’heure où celle-ci doit être protégée. Quelle est alors la stratégie du gouvernement pour limiter l’ampleur du réseau français de captage et stockage du carbone ? Quelles seront les implications pour la localisation des sites devant être reliés à une telle infrastructure ?
  • La stratégie de compensation des émissions résiduelles : Les différentes technologies de captage du carbone disponibles à ce jour n’atteignent pas un taux de capture de 100%. La France devra donc développer des stratégies de compensation pour ces émissions résiduelles. Comment les industries polluantes seront-elles mises à contribution pour développer des méthodes complémentaires de captage du carbone, éprouvées et peu coûteuses, comme une meilleure gestion des sols grâce à des pratiques agricoles appropriées et l’amélioration de la quantité et de la qualité du couvert forestier ?

Dans ce contexte, nous souhaitons interroger les industriels porteurs des projets K6, CalCC, et D’Artagnan sur trois points clés quant aux projets développés dans le Nord et le Pas-de-Calais:

  • Dimensionnement des projets : Les engagements climatiques français et européens impliquant une sobriété tant énergétique que dans l’usage des matériaux, il ne nous semble pas pertinent de doubler les capacités de production du site Eqiom. La croissance du site aurait un impact important pour les riverains, notamment en termes de nuisances liées au transport routier.
  • Les alternatives en termes de source d’énergie : Pour déjà diminuer les émissions de CO2 des sites existants, nous encourageons les industriels, si cela n’a pas encore été fait, à envisager l’usage de sources d’énergie bas carbone en substitution des énergies fossiles, en particulier biogaz, biomasse ou combustible solide de récupération.
  • Sécurité du transport et du stockage du CO2 : Le développement d’environ 80 kilomètres de canalisations souterraines pour transporter le CO2 depuis les sites de Lumbres et de Réty vers le Port de Dunkerque nous interpelle quant à ses conséquences pour les terres agricoles traversées. La construction de ces pipelines aura un impact sur la production agricole et la biodiversité sur les terres traversées. Nous nous interrogeons également sur les risques de fuite de ces canalisations et l’impact environnemental que celles-ci pourraient avoir, et sur les garanties apportées par les industriels quant à la permanence et la sécurité du stockage du CO2 en Mer du Nord.
  • Alternatives au transport et au stockage du CO2 : Nous souhaitons que soient étudiées les alternatives en termes de débouchés pour le CO2 des sites de Lumbres et Réty. En particulier, il pourrait y avoir des possibilités d’utilisation du CO2 dans des produits inertes comme le béton lui-même (carbonatation), la fibre carbone, ou le plastique. L’option de la minéralisation du CO2 sous la forme d’un minéral solide inerte qui peut ensuite être enfoui pourrait également constituer une alternative au stockage souterrain sous forme de gaz, avec des risques environnementaux moindres. Ces options pourraient permettre un stockage à long terme du carbone sans nécessité de développement d’un réseau de transport par canalisations souterraines.