Concertation Tiamat Energy, le cahier d’acteur des écologistes

Retrouvez ci-dessous le cahier d’acteur conjointement écrit par les écologistes Amiens Somme et la commission Energie & Climat dans le cadre de la concertation autour du projet de Tiamat Energy.


Synthèse de la contribution

Le projet TIAMAT, qui prévoit l’implantation d’une gigafactory de batteries sodium-ion près d’Amiens, représente une opportunité majeure de relocalisation industrielle et de transition énergétique pour la France. En misant sur une technologie sans métaux critiques (sans lithium, cobalt ni nickel), ce projet s’inscrit dans une démarche de souveraineté stratégique, de réduction de l’empreinte écologique et de création d’emplois qualifiés sur le territoire. Les écologistes saluent cette dynamique, tout en soulignant la nécessité d’un cadre rigoureux pour assurer la cohérence environnementale, sociale et territoriale du projet.

Nous appelons à un accompagnement ambitieux sur les mobilités, la gestion des ressources (eau, énergie, foncier), la formation et le dialogue avec les citoyens. Nous encourageons TIAMAT à dépasser les seules exigences réglementaires en matière de sobriété, de performance énergétique, de recyclabilité et d’écoconception. Afin que cette relocalisation industrielle soit juste et durable, un engagement exemplaire est attendu sur la transparence, la compensation écologique, et l’insertion dans le tissu local. Les écologistes resteront vigilants à la mise en œuvre concrète de ces engagements à chaque étape du projet.

Contexte Général

Le projet TIAMAT prévoit l’implantation d’une gigafactory de cellules de batteries sodium‑ion sur 30 ha dans la ZAC Jules Verne II à Boves, en périphérie d’Amiens. Cet investissement d’environ 500 M€ vise une capacité de production annuelle de 4,7 GWh (plus de 36 millions de cellules) d’ici 2030. L’usine devrait créer 2 000 emplois directs, dont 1 800 salariés pour la production, avec une montée en puissance progressive.

Ce projet s’inscrit dans une logique de transition énergétique et de souveraineté industrielle, en proposant une alternative aux batteries lithium-ion, sans métaux critiques (ni lithium, ni cobalt, ni nickel), avec des avantages en matière de sécurité, de recyclabilité et d’empreinte écologique.

L’implantation sur une zone déjà partiellement aménagée limite les impacts sur la biodiversité. Néanmoins, plusieurs points de vigilance subsistent concernant l’usage du foncier, les ressources naturelles, l’accompagnement local et la transparence dans la valorisation des retombées publiques.

Transports et mobilités

Flux de matières premières et de produits finis

Le site devrait accueillir quelques dizaines de poids lourds (acheminement de composants et expédition des produits finis) et environ 1000 véhicules particuliers par jour. Il est impératif que les collectivités locales prévoient :

  • Une infrastructure routière adaptée pour éviter tout engorgement ou nuisances dans les zones habitées voisines
  • La coordination entre industriels pour mutualiser les flux logistiques (plateformes multimodales, logistique partagée)
  • Une étude de faisabilité sur l’utilisation de modes de transport alternatifs à la route, comme le fret ferroviaire ou fluvial
  • Une concertation plus poussée avec les habitants concernés

Mobilité des salariés

Avec jusqu’à 2000 salariés attendus, la question de l’accès au site est centrale. Nous recommandons :

  • La création de lignes de bus spécifiques, coordonnées avec les horaires d’équipes
  • Le renforcement des navettes inter-entreprises à l’échelle de la zone
  • La promotion active du covoiturage, via plateformes numériques
  • La prise en charge renforcée des frais de transport durable (vélos, abonnements de transport collectif…) au-delà du seuil légal de 50 %.

Ressource en eau et énergie

Les écologistes soulignent que les mesures explicitées par TIAMAT en matière de diminution de la consommation d’eau sont intéressantes et encouragent leur déploiement. Une question subsiste aujourd’hui quant au traitement des eaux industrielles et à leur transport. Vous indiquez dans vos documents leur stockage en cuve pour traitement par des filières agréées. Une étude dédiée afin d’analyser et de comparer cette option avec un traitement local de ces effluents serait appréciée, afin de limiter les risques et les émissions liées au transport sur plusieurs kilomètres.

Par ailleurs, face à la criticité de la ressource en eau, comment les hypothèses climatiques (sécheresse, baisse des nappes) ont-elles été prises en compte dans la sécurisation de l’approvisionnement en eau sans impacter la biodiversité ni les particuliers ? Les écologistes recommande une étude d’impact et de danger intégrant un scénario de Trajectoire de Référence d’Adaptation au Changement Climatique (TRACC) à +6 °C, afin d’anticiper les effets extrêmes du changement climatique[1].

Concernant l’énergie, les écologistes aimeraient encourager le porteur de projet :

  • À augmenter la part d’énergies renouvelables utilisée par l’usine (en allant au-delà des contraintes réglementaires quant à l’installation de panneaux solaires sur le site de production et en sécurisant un approvisionnement en énergie renouvelable via, par exemple, des PPA (Power Purchase Agreement)
  • À optimiser la performance énergétique globale des procédés et des bâtiments dès la conception, ainsi que par la mise en place de systèmes de gestion intelligente de la performance énergétique
  • À envisager une intégration à un réseau de chaleur ou à un système de récupération énergétique dans le cadre d’une démarche d’Ecologie Industrielle à l’échelle de la ZAC

Empreinte foncière et biodiversité

L’artificialisation d’environ 30 hectares soulève des questions dans le contexte des objectifs ZAN (Zéro Artificialisation Nette). Nous demandons :

  • La compensation écologique réelle et mesurable, sur des terrains proches, pour rétablir une continuité écologique 
  • La réduction de l’empreinte foncière finale, en mutualisant les espaces (stationnements, infrastructures logistiques, bâtiments partagés).
  • Une attention particulière à limiter l’imperméabilisation des sols, et à concevoir une gestion des eaux pluviales adaptée aux intempéries extrêmes.

Emploi et Compétences

TIAMAT, grâce à son industrie fortement automatisée (industrie 5.0) et au volume de postes créés, devra porter une attention particulière à la formation et au recrutement de son personnel. TIAMAT, issu des travaux de recherche du Hub de l’Énergie de l’UPJV à tous les atouts pour conforter le travail conjoint avec les acteurs de la formation (second degré, universités et formation continue) des Hauts-de-France.

Par ailleurs, pour répondre aux exigences de l’environnement 5.0, les écologistes s’interrogent quant à la stratégie de formation et de recrutement de l’ensemble des salarié·es (centre de formation local, méthodes de recrutement par simulation…), mais aussi sur de potentielles campagnes de recrutement et de promotion du secteur industriel, qui souffre aujourd’hui d’un manque d’attractivité.

Conclusion

Nous remercions la Commission Nationale du Débat Public et ses garant·es ainsi que les porteurs de projet pour cette concertation préalable de très bonne qualité.

Les écologistes soutiennent une production de batteries en Europe et en France, qui constitue une opportunité à saisir pour réindustrialiser nos territoires et produire des emplois utiles, qualifiés et stables[2]. Nous aimerions aussi souligner l’importance du renforcement de la réglementation sur les batteries (passeport produit, traçabilité, recyclage et écoconception), afin d’encourager la pérennisation d’un écosystème industriel européen.

Le projet TIAMAT représente un levier important pour la relocalisation industrielle et la transition énergétique. Son recours à une technologie alternative au lithium constitue un point fort.

Cependant, pour répondre aux attentes environnementales, sociales et démocratiques actuelles, nous demandons :

  • Un accompagnement territorial à la hauteur (mobilité, formation, logement) 
  • Une rigueur environnementale exemplaire (ressources, compensation, sobriété) 
  • Le maintien d’un processus de dialogue transparent, régulier et continu entre les habitant·es et le porteur du projet tout au long de la vie du projet

Le projet TIAMAT répond aux objectifs de relocalisation de la filière batterie sur le territoire européen. Les écologistes sont favorables à une réindustrialisation sobre, juste et durable. Nous resterons cependant vigilant-es quant à la mise en œuvre de ces principes dans toutes les phases du projet.

Groupe Local Amiens-Somme des Écologistes
Commission Energie et Climat des Écologistes

Notes :

[1] Conformément à la motion adoptée par les Écologistes : Vivre aujourd’hui avec le climat de demain : mieux vaut prévenir que découvrir https://energie.eelv.fr/motion-adaptation/
[2] Conformément à la motion adoptée par les Écologistes : Pour que le modèle industriel de voiture électrique soit au service du climat, de l’emploi, de l’environnement et de la justice sociale https://transports-territoires.eelv.fr/files/2021/12/Motion-Vehicule-Electrique-2021.pdf