Une coopération franco-allemande sur l’énergie pour relancer l’Europe

Par Jürgen Trittin, Rebecca Harms, Claude Turmes, Yannick Jadot

Le cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée entre l’Allemagne et la France, le 22 janvier 2013, est l’occasion de se féliciter du chemin parcouru après deux guerres mondiales en moins de 30 ans. Mais le plus important aujourd’hui est de choisir la bonne direction. Au moment où les égoïsmes nationaux priment sur l’intérêt général européen, la responsabilité de ces deux grandes nations est de redonner une perspective au projet européen et de mettre en place des réponses efficaces à la crise économique, sociale, écologique et politique qui nous frappe. 60 ans après la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, la solution doit à nouveau venir de l’énergie.

En effet, si les pères fondateurs sont parvenus à construire la paix en organisant la puissance industrielle et économique de l’Europe, ce qui était alors notre force est devenu notre talon d’Achille. L’Europe est pauvre en ressources fossiles et sa facture énergétique vis-à-vis du reste du monde a dépassé 500 milliards d’euros l’année dernière, soit 4% de son PIB. Les prix de l’énergie ne cessent d’augmenter et près de 100 millions d’Européens souffrent de précarité énergétique. Nos infrastructures énergétiques arrivent en fin de vie et des investissements gigantesques sont nécessaires. Les dégâts environnementaux et sanitaires liés à l’énergie s’alourdissent et le dérèglement climatique s’accélère. Plus que jamais notre futur dépend de nos choix énergétiques présents.

Mais cinq ans après l’adoption du paquet climat-énergie qui devait garantir à l’Europe un leadership mondial en la matière, l’ambition climatique s’est diluée et le marché carbone écroulé, l’ébriété énergétique n’a pas été combattue. Confrontées à une concurrence internationale forte nos filières renouvelables sont durement touchées. Dans le secteur automobile les deux pays sont à la traine sur la réduction des émissions de CO2 et la commercialisation de moteurs plus respectueux de l’environnement. Les éco-technologies ne sont toujours pas au centre d’une politique industrielle commune et l’Europe continue d’entretenir une double dépendance aux énergies fossiles et au nucléaire.

 

POUR UNE INITIATIVE EUROPÉENNE

Le lancement d’une initiative européenne sur l’énergie est notre meilleure chance pour ouvrir une nouvelle perspective européenne. Fondée sur les économies d’énergie et les renouvelables, elle serait le levier d’une nouvelle révolution industrielle tout en apportant des réponses concrètes aux besoins d’emplois et de pouvoir d’achat des citoyens européens.

Pour cela, construisons sans complexe sur la coopération franco-allemande, d’autant plus qu’en cas de victoire rouge-verte aux élections législatives allemandes de 2013, deux coalitions de même nature gouverneraient de chaque côté du Rhin.

Nous partageons des défis proches. Les deux pays ont la même dépendance aux importations de pétrole, ce qui implique un effort considérable sur la mobilité et les infrastructures de transport.

L’abandon du nucléaire en Allemagne correspond à un effort comparable à celui de la réduction de 75 à 50% de la part du nucléaire dans l’électricité en France d’ici 2025. Cet effort de transition est l’occasion de démontrer que le soutien aux technologies des énergies renouvelables est une opportunité pour l’industrie et pour l’emploi, avec déjà 400 000 emplois crées en Allemagne. Il requiert aussi la mise en place d’un marché commun de l’électricité, déjà dans le centre-ouest européen, pour garantir un approvisionnement efficace et respectueux des consommateurs. Enfin, les deux pays affichent des objectifs convergents pour l’efficacité énergétique et notamment la rénovation thermique des bâtiments.

C’est bien la 3ème révolution industrielle qu’il faut lancer, celle qui intègre pleinement la raréfaction des ressources et l’immense défi du dérèglement climatique. A cet égard, nos pays devront après les élections allemandes persuader ensemble les derniers indécis en Europe de ranimer le système d’échange de quotas d’émission de CO2 par un objectif de réduction de 30% de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. C’est la seule façon de générer les financements nécessaires en protégeant les consommateurs de charges inutiles. Une telle décision permettrait également de préparer dans les meilleures conditions la grande conférence climatique qu’accueillera la France en 2015.

 

PARTENARIATS INDUSTRIELS

De par l’importance politique de nos pays au sein de l’Union européenne et de leur poids sur le marché européen, la coopération franco-allemande peut exercer une influence décisive pour l’adoption et la diffusion généralisée de nouvelles technologies et procédés industriels. Elle devrait se traduire par des partenariats industriels permettant de se maintenir face à des poids lourds comme la Chine, comme de nouveaux investissements dans le secteur de la fabrication des modules solaires. Reste à lever la contrainte financière. Nos pays pourraient lancer une coopération renforcée entre les institutions de financement, à commencer par la Kreditanstalt für Wiederaufbau et les coopératives de l’énergie côté allemand, la Caisse des Dépôts et Consignations, la future Banque Publique de l’Investissement et les sociétés d’économie mixte côté français. De même, la coopération franco-allemande doit jouer au niveau européen pour mobiliser les fonds disponibles et lancer de nouvelles initiatives telles que les Green Projets Bonds de la Banque européenne d’investissement. A cet égard, les réductions actuellement envisagées du budget européen sont catastrophiques.

Partout sur nos territoires les capacités de recherche et de développement industriel, les compétences et les organisations collectives existent. Les idées aussi, à portée de main des Européens s’ils en ont la volonté politique. Une coopération franco-allemande sur l’énergie doit être plus qu’un ajustement des échanges d’électricité. C’est notre entrée véritable dans le monde nouveau de l’après-pétrole. Ne nous trompons pas : 60 ans après le pas de géant de Monnet et Schuman, 50 ans après celui de De Gaulle et Adenauer, nous ne pouvons plus nous contenter de la paix pour vivre dans ce monde en plein changement. Il est temps de renouer tous ensemble avec le progrès et la prospérité partagé. Nous, les Verts, dans chacun de nos pays et au niveau européen, allons nous atteler à cette tâche.

 

Jürgen Trittin, Président du parti vert allemand (Grünen); Rebecca Harms, députée européenne, co-présidente du groupe des Verts/ALE au Parlement européen; Claude Turmes, député européen, vice-président du groupe des Verts/ALE au Parlement européen; Yannick Jadot, député européen (Europe Ecologie les Verts).