Rapport de l’ISRN : une communication rassurante pour une réalité inquiétante

La Commission Énergie d’Europe Ecologie Les Verts remarque, une fois  de plus, la minimisation des risques du nucléaire à l’occasion de la parution du dernier rapport de l’IRSN.

L’IRSN, organisme indépendant chargé de l’expertise technique sur la sûreté des centrales, a en effet rendu jeudi 18 novembre un rapport qui fait suite au « retour d’expérience de l’accident de Fukushima » et aux Évaluations Complémentaires de Sûreté (ECS), qui ont été menées par les exploitants sur leurs sites à la suite de la catastrophe.

Si les médias ont retenu de ce rapport que « aucun réacteur français ne mérite d’être fermé », une lecture plus attentive de la synthèse[1] donne une vision plus inquiétante de la réalité des exigences de sûreté et de leur traitement par EDF, AREVA et le CEA : sur quasiment tous les points évoqués, le rapport conclut qu’il ne peut pas conclure ou bien que la situation n’est pas satisfaisante.

  • La méthodologie :

« la démarche d’AREVA appelle à des réserves, notamment sur le nombre de configurations étudiées et sur l’identification […] des différents niveaux d’aléas »

  • Gestion des risques sismiques :

« le caractère simplificateur des méthodes proposées n’autorise pas à considérer les valeurs des facteurs […] mis en avant par les exploitants comme représentant de façon fiable la robustesse des installations en cas de séisme ».

  • Risques d’inondation :

 « l’IRSN considère que les propositions d’EDF relatives aux hypothèses  retenues pour la caractérisation du phénomène et les propositions du CEA pour la prise  en compte des conditions  d’écoulement ne sont pas totalement satisfaisantes ».

  • Effets induits par les agressions externes :

les exploitants « ne disposent pas de l’ensemble des informations nécessaires pour juger de la robustesse des installations industrielles externes au site à l’égard d’un séisme et d’une inondation ».

  • De façon générale, sur cette situation, il semblerait que les exploitants jouent la sûreté à minima :

 « EDF n’a pas postulé d’incendie, ou d’explosion induits par un séisme » et « l’IRSN estime qu’EDF devrait réaliser des études visant à justifier la robustesse de ses  installations vis-à-vis d’un incendie (ou d’une explosion)  induit par un séisme de niveau supérieur à celui retenu dans les référentiels de ses installations ». Bref, « les démonstrations devraient être complétées ».

  • Gestion de situation de crise :

« A ce stade, l’IRSN ne dispose pas de l’ensemble des éléments pour évaluer la ‘’robustesse’’ de l’organisation et des moyens de crise de ces exploitants ; il ressort cependant d’ores et déjà de l’analyse de l’IRSN que les plans d’actions proposés par EDF et AREVA doivent être complétés ».

  • Interventions humaines :

« Pour ce qui concerne les interventions humaines en situations accidentelles, les dossiers transmis par les exploitants fournissent peu d’information. »

  • Recours à la sous-traitance :

« L’IRSN estime que l’examen des dossiers transmis dans le  cadre des ECS n’est qu’une première étape et que l’identification de la nature et l’ampleur des effets du recours à la sous-traitance sur la sûreté et la radioprotection constitue un enjeu fort qui nécessitera des investigations complémentaires ».

  • Lorsque l’IRSN s’autorise à conclure, le résultat est souvent inquiétant :

« Les rapports fournis par EDF montrent que certains scénarios peuvent conduire à un début de fusion du cœur dans un délai court (de quelques heures à une journée). Ces scénarios nécessitent, selon l’IRSN, de prévoir des moyens supplémentaires sur les sites ainsi que des moyens de secours extérieurs. » L’IRSN note que « certains écarts de conformité »  devraient « faire l’objet de corrections rapides. »

« L’IRSN a souligné la pertinence des propositions d’amélioration faites par EDF pour ces situations extrêmes ; ces propositions restent néanmoins à consolider. L’IRSN a de plus formulé des demandes additionnelles »

« En l’état actuel, [le réacteur à haut flux de l’Institut Laue Langevin] n’apparaît pas correctement protégé pour les séismes relevant du référentiel de sûreté vis-à-vis du risque de fusion à l’air (…) [différentes faiblesses indiquent que] la maîtrise de la situation accidentelle deviendrait donc très délicate. » L’Atelier de Technologie du Plutonium du CEA-Cadarache « ne résiste pas au séisme de dimensionnement du site ».

« AREVA propose pour les sites des améliorations, structurelles ou organisationnelles, qui devraient renforcer à terme la robustesse des installations et des moyens de gestion de crise. (…) cependant, un élargissement de l’analyse, en tenant compte des recommandations détaillées (…), apparaît nécessaire à l’IRSN »

« l’IRSN souligne que, sur les réacteurs en exploitation ou en cours de construction [ndlr : EPR], la limitation des conséquences d’un accident grave en piscine serait très difficile. »

EELV s’interroge sur deux conclusions de l’IRSN :

 « les exploitants ont été en mesure de proposer des améliorations concrètes de leurs installations qui, du point de vue de l’IRSN, amélioreront de manière significative, la sûreté des installations nucléaires françaises. ». Cela signifie-t-il bien que les exploitants nucléaires peuvent faire significativement mieux ? La sureté ne serait donc pas, à ce jour, des plus satisfaisantes en France ?

La Commission Energie d’EELV tient à rappeler que la sûreté nucléaire n’accepte pas de compromis et que sous le masque d’une communication rassurante peuvent se cacher des défaillances de sûreté majeures.

En conclusion, ce que dit en fait l’IRSN est que des travaux considérables d’amélioration de la sûreté des centrales nucléaires paraissent indispensables : EELV attend des autorités que le coût assurantiel ainsi que le coût des travaux soient chiffrés afin d’avoir une idée du vrai coût du nucléaire.

Contact Commission Énergie : comener@hotmail.fr